Boukari Ouédraogo

AN II de l’insurrection : Roch a besoin de temps, les Burkinabè sont pressés

Deux ans après l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a vu la chute du président Blaise Compaoré, l’actuel président du Faso Roch Marc Christian Kaboré a tenu un discours à la nation le samedi 29 octobre 2016 dans lequel, tout en rendant hommage aux martyres, il a demandé du temps et une accalmie sur le front social. Ce que le Président du Faso a oublié, c’est que les Burkinabè sont pressés. Lors de la campagne pour les élections présidentielle et législatives en novembre 2015, il avait mis en avant son expérience de la gestion du pouvoir. Le maçon est attendu au pied du mur.

Le Président Kaboré doit trouver des mesures d'urgences pour atténuer la souffrance des Burkinabè (ph page Facebook Présidence du Faso)
Le Président Kaboré doit trouver des mesures d’urgences pour atténuer la souffrance des Burkinabè (ph page Facebook Présidence du Faso)

Aujourd’hui, Roch Marc Christian Kaboré peine à convaincre. Cela se traduit sur le terrain par un front social est en ébullition. Chaque jour que Dieu créé, des syndicats entrent en grève pour revendiquer de meilleurs conditions de travail et de vie comme au temps précédent l’insurrection populaire.

Quand le président demande de la retenue

C’est pourquoi, il a profité de cette occasion pour « lancer un appel solennel à la retenue sur le front social pour donner toutes ses chances à la concertation, au dialogue et à l’engagement collectif pour remettre le pays au travail et créer les emplois et les richesses dont nous avons besoin pour garantir la prospérité à tous les habitants du Burkina Faso». Reconnaissant les revendications des populations légitimes il a insisté sur le fait qu’«on ne peut partager ce qu’on n’a ni produit, ni créé ».

A moins d’être de mauvaise foi, le Président Roch Marc Christian Kaboré savait bien qu’après cette insurrection, les Burkinabè seraient pressés de voir leurs conditions de vie changer. Dans ce sens et pendant sa campagne, il a insisté sur son expérience dans la gestion du pouvoir politique et dans l’administration, notamment aux côtés de Blaise Compaoré pour accélérer le train du développement du Burkina Faso.

Des actes concrets pour soulager la population

C’est vrai que le développement du Burkina Faso ne peut pas se faire sur un coup de bâton magique, c’est vrai que la mise en œuvre de programmes de développement prend du temps et ne peut donc pas se faire en une année mais le gouvernement burkinabè n’a pas trouver des mesures urgentes pour soulager les populations qui souffrent. Ce qui devait être fait avant de s’attaquer au lourd chantier du développement.

Si les Burkinabè se plaignent, manifestent, revendiquent, c’est parce qu’ils ne perçoivent aucun signe rassurant. Les discours de campagne ne ressemblent qu’à de pures illusions. Dans un tel contexte, le désespoir ne peut qu’être immense.

A mon avis, l’ébullition sur le front social est une interpellation au gouvernement sur la manière dont son programme est mis en œuvre. Après l’insurrection, les Burkinabè espéraient qu’ils trouveraient le salut après la Transition. Mais depuis, le gouvernement tâtonne. Contrairement à Roch Marc Christian Kaboré, Paul Kaba Thiéba qui a passé une grande partie de sa carrière hors du pays est déconnecté des réalités du Burkina. Alors, ce dernier doit d’abord s’imprégner des réalités que vivent les Burkinabè avant de proposer des solutions. Ce qui fait perdre du temps. Beaucoup de temps. Quand on veut aller vite, on prend quelqu’un qui connait la route comme on le dirait en pays moagha.

« Une des leçons de ces journées historiques que nous devons graver dans nos mémoires, nos comportements et nos actes au quotidien, c’est que nos martyrs sont allés jusqu’au sacrifice suprême pour défendre l’honneur et la dignité de notre Peuple. Désormais, aucun sacrifice n’est de trop pour préserver les intérêts supérieurs de la Nation », a souligné Roch March Christian Kaboré. Pour le prendre au mot, l’exemple doit venir d’en haut. Le sacrifice suprême doit commencer par le gouvernement pour une impulsion à la base.


Le retrait des parcelles attribuées illégalement source de nouveaux problèmes

Au Burkina Faso, la commission d’enquête parlementaire a livré les résultats de son enquête concernant les parcelles illégalement acquises depuis 1995 dans certaines régions du Burkina Faso. Les députés de l’Assemblée nationale ont tout simplement décidé du retrait de ces parcelles estimées à plus de dix milles Francs CFA. Le retrait de ces parcelles détenues illégalement, plutôt que de résoudre l’accès au foncier sera source de nouveaux problèmes.

Ph. guslists.com
Certains ont profité de leur positions pour voler des parcelles (Ph. guslists.com)

Cette affaire de parcelles illégalement attribuées a révélé de nombreux manquements et permis de dire haut ce que l’on racontait bas à l’époque. Les maires, des opérateurs économiques, des membres de la commission de lotissement, des parents de ces personnes concernées etc. ont profité de leurs positions pour s’octroyer des dizaines de terres alors que des résidents étaient obligés de se déplacer et d’aller squatter d’autres terrains. Le problème est très  grave !

Le premier problème qu’il faut résoudre, c’est d’aller jusqu’au bout de l’enquête. Elle n’est pas achevée à mon avis.  Si cette enquête a pu déceler des irrégularités, il faudrait tout de même que l’on puisse situer les responsabilités à tous les niveaux. Cela signifie que si les maires ont fauté, ils ont bénéficié de la complicité de protecteurs. Par exemple, un supposé fraudeur de parcelle a affirmé s’être attribué des terres sur injonction verbale de l’ancien Président Blaise Compaoré. Qu’est ce qui le prouve ? Aucune preuve formelle n’a été apportée. C’est pourquoi, cette affaire doit être confiée à la justice pour que les accusés puissent s’expliquer, se défendre et que tout la lumière soit faite. Par exemple, concernant le « site WATAM  KAIZER  installé  sur  les  rives  du  canal  du  Mogho Naba la  mairie  n’a  jamais  su  comment  cette  société  a  pu  bénéficier  de  ce morcellement et qui en a donné l’autorisation». Il faudrait que chacun puisse s’expliquer sur cette affaire.

La justice doit être incontournable

Pour cela, il ne faudrait pas se contenter de ce que nous pouvons nommer ici comme la partie visible de l’iceberg dans la mesure. Bien que certaines personnes aient pu s’offrir des dizaines de parcelles frauduleuses, leurs octroies ou plutôt acquisitions peut s’être faite en toute légalité. C’est pourquoi il faut entendre, comme nous le disions plus haut, toutes les personnes concernées pour qu’elles puissent nous signifier s’il y a une complicité ou pas et de quelle ampleur. C’est à cette seule condition que la lumière pourra être faite sur ces affaires. A mon avis, malgré les résultats accablants, il faudrait accorder, quand même, un peu de bonnes foi aux détenteurs illégaux de parcelles. Par exemple, l’ancienne maire Séraphine Ouédraogo, est accusée d’attribution irrégulière de parcelles comme le souligne ce passage du rapport : « la majeure partie des lotissements n’a pas fait l’objet de mise en place de commission d’attribution de parcelles. En effet, dans l’ex arrondissement de Boulmiougou l’ex maire Mme Séraphine Solange Ouédraogo a attribué 2000 parcelles sans mettre en place une commission d’attribution ». Cela est-il vrai ? Comment cette maire a-t-elle eu le courage d’attribuer autant de parcelles sans mettre une commission en place ?

La question de la redistribution

Cependant, le principal problème que cela va engendrer c’est la redistribution. Ces détenteurs des parcelles illégales concernées ont peut-être acheté ces terrains en toute légalité auprès des premiers acheteurs frauduleux. Ils y ont construit des villas et y ont emménagé avec leurs familles peut-être. Et bien du jour au lendemain, ces personnes qui ont acquis leur parcelles à la sueur de leurs fronts vont se voir retirer ces parcelles.

Dans un Burkina post-insurrectionnel, où les esprits sont surchauffés, où les Burkinabè sont prêts pour la moindre revendication, j’imagine bien qu’ils ne vont pas se laisser facilement retirer ces parcelles.

Déjà, beaucoup de Burkinabè lésés dans les attributions de ces parcelles pensent que les résultats de ces enquêtes parlementaires vont enfin leur permettre d’entrer dans leurs droits. L’espoir risque de se transformer en véritable cauchemar. Deux camps, ceux qui détiennent déjà des parcelles et ceux qui attendent de recevoir, risquent d’entrer en confrontation si le gouvernement burkinabè ne fait pas attention à cette affaire qui frise le populisme.


Réformes constitutionnelles : vers une veille des blogueurs, journalistes et société civile

La commission constitutionnelle a été installée au Burkina Faso le jeudi 29 septembre 2016 pour réfléchir sur l’adoption d’une nouvelle constitution et pour la création d’une Vème république. En Afrique de l’Ouest, plusieurs pays se dirigent vers des réformes constitutionnelles.  Les intérêts du peuple seront-ils réellement pris en compte ? La réponse à cette question a suscité l’intérêt de plusieurs acteurs du développement en Afrique de l’Ouest.

Les préoccupations des citoyens doivent au centre des réformes constitutionnelles
Les préoccupations des citoyens doivent au centre des réformes constitutionnelles (photo RFI)

C’est pourquoi, nous avons été invités à discuter de la question aux côtés de journalistes expérimentés et acteurs de la société civile lors d’un atelier régional sur la contribution des média au processus de réformes constitutionnelles du 20 au 22 septembre 2016 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Cette rencontre d’échange organisée par l’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) part du constat que les médias favorisent l’accès des citoyens à l’information pertinente qui leur permet d’opérer des choix qualificatifs.

Quels rôles peuvent jouer les blogueurs auprès des organisations de la société civile et des journalistes ? Il s’agit d’un rôle d’accompagnement et de veille au vu des discussions menées à Abidjan puisque le contexte reste presque le même au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Mali. Les populations ne sont pas vraiment informées des intentions cachées ou avérées des partisans des réformes constitutionnelles.

Des points litigieux

Au Burkina Faso, l’on ne sait pas s’il s’agit d’imposer un régime parlementaire comme ce fut le souhait de l’actuel président de l’Assemblée Nationale Salif Diallo qui avait formulé ce souhait en 2009 lors d’un entretien accordé au journal L’Observateur Paalga. Aujourd’hui, ce dernier se retrouve au poste de Président de l’Assemblée Nationale. Une constitution taillée à sa mesure ? Toutefois, le contexte burkinabé reste marqué par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a vu le départ de l’ancien Président Blaise Compaoré. Ce dernier voulait modifier l’article 37 de la constitution qui limitait le mandat présidentiel à cinq ans renouvelables une seule fois. Les Burkinabé s’étaient aussi opposés à l’instauration d’un sénat jugé budgétivore pour un pays comme le Burkina Faso.

Côte d’Ivoire, vice-présidence, article 35… en question

En Côte d’Ivoire, c’est le fameux article 35 qui avait éliminé de la course Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié à l’élection de 2000 en Côte d’Ivoire. Cet article pose aussi la problématique de l’«Ivoirité ».

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. Le candidat à l’élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante-quinze ans au plus. Il doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine. Il doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte d’Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective.

L’obligation de résidence indiquée au présent Art. ne s’applique pas aux membres des représentations diplomatiques et consulaires, aux personnes désignées par l’État pour occuper un poste ou accomplir une mission à l’étranger, aux fonctionnaires internationaux et aux exilés politiques.

Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l’Ordre des Médecins. Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil constitutionnel. Il doit être de bonne moralité et d’une grande probité. Il doit déclarer son patrimoine et en justifier l’origine ». L’article 35 de la constitution ivoirienne.

Cependant, les blogueurs et journalistes ivoiriens s’interrogent aussi sur la nécessité de la création d’une vice-présidence dans la nouvelle constitution comme c’est le souhait de l’actuel président, l’objectif du sénat qui pourrait être une chambre pour caser les anciens et aussi la place que va occuper le premier ministère dans un gouvernement avec un vice-président. A qui tout cela va profiter ? Déjà, l’on sait que l’opposition est en campagne contre ces reformes constitutionnelles. Les blogueurs pourraient jouer le contrepoids dans un contexte où les émissions de débats politiques ne sont pas autorisées dans les radios locales.

Au Bénin, c’est plutôt la question du mandat unique qui pose problème puisque l’actuel Président Patrice Talon qui souhaite faire un seul mandat de cinq ans souhaite constitutionnaliser le mandat unique. Ce qui ne passe pas. Au Mali, pays occupé en partie par des terroristes, le gouvernement a négocié un accord avec ces groupes dont certains points sont en contradictions avec l’actuelle constitution. Dans un tel contexte, les blogueurs ne souhaitent pas rester silencieux et comptent jouer à tout prix leur rôle de veille pour interpeller les dirigeants et sensibiliser la population. Un rôle qu’il compte mener aux côtés de la société civile et des médias traditionnels.

Les Burkinabè déjà dans le bain

Au Burkina, le processus de veille a déjà débuté bien que timide. Cette timidité s’explique aisément par le fait que la commission institutionnelle n’était encore installée mais aussi et surtout par le fait que le principal article qui pose problème (l’article 37) est déjà verrouillé et toute la classe politique semble être unanime sur la question.

« Le Président du Faso est élu au suffrage universel direct, égal et secret, pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible une seule fois. En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats de président du Faso, consécutivement ou par intermittence ». La nouvelle version de l’article 37 de l’actuelle constitution du Burkina.

La plateforme Présimiètre, lancé par l’ONG Diakonia, «permet de mesurer régulièrement et continuellement les performances du Président du Faso, les niveaux de respect de ses engagements et les réponses apportées à l’expression des préoccupations citoyennes ». En collaboration avec les journalistes, les blogueurs et les organisations de la société civile, le Présimètre compte se renforcer d’une plateforme qui permettra de recueillir les contributions des populations sur la gouvernance du chef de l’Etat.

Avec le Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD), une enquête par sondage, basée sur la méthode des focus-groupes sera menée. Cette initiative permettra de croiser l’analyse des perceptions des populations à celles des experts pour voir si les préoccupations (principalement dans le domaine de l’éducation, la santé, l’eau, l’assainissement et l’hygiène, l’agriculture et les questions transversales) sont prises en compte. Le programme radio déjà entamé dans le cadre du Présimètre sera renforcé afin que les populations puissent aussi s’exprimer dans les langues locales.

Malgré des contraintes budgétaires, de timing et un programme qui devra s’étaler au-delà du processus, les Burkinabé espèrent tenir le pari afin que la population ne soit pas surprise. Et pour cela, il faut vraiment une synergie entre journalistes, organisations de la société civile et les blogueurs. Tout ce qui sera mené sera promu à travers les réseaux sociaux à travers la création d’un hashtag.


Et si les inondations au Burkina étaient une opportunité ?

Depuis le début de la saison de l’hivernage au Burkina Faso, chaque pluie arrive avec des risques d’inondations. Ces eaux qui se déversent au Burkina Faso pendant cette période devraient être une chance dans un pays où la saison des pluies ne dure pas plus de quatre mois.

Et si ces présentes inondations étaient une opportunité ? Oui. La question mérite d’être posée. Cela ne signifie pas que les dégâts que ces pluies causent une bonne chose. Sauf en période où les épis de mil sont en train de murir, les paysans ont presque tout le temps souhaité de bonnes pluviométries pour leur culture. Aujourd’hui, ces inondations sont la preuve qu’une grande quantité d’eau est déversée sur la ville de Ouagadougou en peu de temps. Compte tenu de la pénurie d’eau que le Burkina Faso et la capitale particulièrement en ce moment connait, il est nécessaire de mettre en place des plans de stockage d’eau à travers en construisant des châteaux d’eaux et d’autres points de stockage. Car, c’est un véritable gâchis qu’une telle quantité se déverse sans que cela puisse être exploité utilement.

Malheureusement l’on retient de ces pluies, les dégâts qu’elles causent. Ce qui nous empêche de voir les opportunités à saisir. En effet, lorsqu’il pleut cette année, presque toutes les grandes artères de la ville de Ouagadougou sont submergées d’eaux. Les ponts sont débordés. Le principal barrage de la ville de Ouagadougou, celui de Tanghin menace aussi de déborder. Les maisons aux alentours de ce barrage sont, elles, dans les eaux. Les zones inondables ont été pendant longtemps épargnées. Mais ces derniers années et depuis la pluie du 1er septembre 2009, elles sont dans les eaux.

Transformer les faiblesses en force

Face à cette situation, les décisions prises par le gouvernement concernent essentiellement le curage des caniveaux, le déguerpissement des commerçants installés sur ces caniveaux et le relogement des habitants des sites inondables. C’est tout ! Et pourtant, ces pluies qui tombent devaient être une grande opportunité. Une chance !

Le Burkina Faso est un pays sahélien où les plus ne durent pas plus de quatre mois et parfois moins. Une grande partie du territoire nationale est une zone aride. En période chaude, les coupures d’eaux sont  fréquentes. Au sahel particulièrement, les points pour recueillir l’eau sont rares. En plus le sol facilite l’infiltration de l’eau de sorte qu’il est difficile de faire des stocks. En 2016 particulièrement, la capitale Ouagadougou a vécu une pénurie d’eau sans précédent obligeant parfois les habitants à parcourir plusieurs kilomètres pour se trouver cette denrée rare. Tout cela devrait donner des leçons et transformer ce qui s’apparente à une calamité en force. Le Président Thomas Sankara le disait : « Tout ce qui est imaginable par l’homme est réalisable par l’homme ».


« Quand Abidjan tousse, Ouaga est enrhumée »

Le Traité d’Amitié et de Coopération (TAC) Côte d’Ivoire-Burkina a débuté le vendredi 28 juillet 2016 à Abidjan, après une période d’embrouille politique, suite au coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015. Lors d’un voyage dans ce pays, un Ivoirien m’a expliqué pourquoi le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire doivent toujours régler leurs problèmes par voie diplomatique.

Deux symboles du Burkina Faso et de la Côte d'Ivoire
Deux symboles du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire

 « Burkina et Côte d’Ivoire, c’est  une maison chambre-salon ». C’est par cette image qu’un chauffeur, répondant au nom de Monsieur Kouassi et résidant à Abidjan, résume la relation entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Suite aux nombreuses agitations qui ont marqué les relations entre la Côte d’Ivoire le Burkina Faso suite à la présumée implication du Président de l’Assemblée Nationale ivoirienne Guillaume Soro dans le coup d’Etat du général Gilbert Diendéré, ce chauffeur a voulu me faire comprendre qu’entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, il ne peut et ne doit jamais y avoir de dissensions. Pour lui, dans un contexte où le terrorisme n’a plus de frontières, la déstabilisation du Burkina Faso aurait pour conséquence la déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Monsieur Kouassi me fait savoir que la frontière entre les deux pays est la plus sûre pour le sien. « Le Liberia se remet d’une guerre de plusieurs années. Une partie du Mali est occupée par des terroristes. Les relations avec le Ghana ne sont pas comparables à celles du Burkina parce que les Ghanéens nous ont toujours traités de Français  parce qu’ils ont, eux, été colonisés par les Anglais», tente de m’expliquer Kouassi. Mon interlocuteur me fait savoir que certains extrémistes pro-Gbagbo ont trouvé refuge au Ghana : « nous ne savons pas à quel moment ces derniers peuvent tenter de déstabiliser la Côte d’Ivoire ».

Pourquoi les Ivoiriens sont des « Français »

Kouassi est ensuite revenu sur une partie de son enfance auprès des Burkinabè. « Quand j’étais petit, nous parlions correctement le mooré parce qu’autour de nous, tout le monde parlait couramment le mooré, le dioula, le baoulé. C’est avec les voyages et le temps que certains d’entre nous avons perdu des interlocuteurs : les Mossi se sont mis à parler les langues locales. C’est comme ça que j’ai oublié le mooré », explique toujours Kouassi. Il tente de me convaincre qu’il comprend quelques dialecte du mooré. Quand il était garçon, me raconte-t-il,  les enfants intelligents étaient ceux qui parlaient au moins trois langues. Il fallait être capable de parler le mooré, les langues locales et parfois des langues issues du territoire ghanéen. Il m’explique d’ailleurs qu’il pensait que le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire était un seul et même pays. « A l’époque, à Bondounkou, nous ne savions pas que la Côte d’Ivoire et la Haute-Volta étaient deux pays différents. C’est quand il a commencé à y avoir des coups d’État au Nord que nous avons compris qu’il y avait une différence ». Puis il ajoute: « Le pays que nous connaissions c’était le Ghana, parce les ghanéens nous considéraient comme des Français. Il y a encore des vieux au Ghana qui appellent toujours les Ivoiriens, les Français. On connaissait aussi le Soudan, qui est actuellement le Mali. Mais la Haute-Volta était considérée comme faisant partie de la Côte d’Ivoire ».

Des coutumes similaires entre les deux pays

Après cette histoire, Kouassi m’a parlé des similitudes entre certaines coutumes ivoiriennes et burkinabè pour me convaincre qu’il connaissait beaucoup de choses sur mon pays. Kouassi trouva l’occasion de m’expliquer ce qu’il pensait de cette composante ethnique. « Les Dagara du Burkina n’ont pas de chef mais ils reconnaissent une certaines autorité à Bouna. Chaque année, il y a une cérémonie qui est organisée et des Dagara y vont pour des offrandes », me révèle-t-il, mais je n’ai toujours pas pu vérifier cette information. « Quand Abidjan tousse, Ouaga est enrhumée. Quand il pleut à Ouaga, l’eau coule à Abidjan ». C’est par ces images que cet Ivoirien souligne qu’il ne devrait avoir aucune embrouille entre ces deux États et que tous les problèmes devraient être gérés de façon diplomatique.  Pour monsieur Kouassi son pays n’a aucun intérêt à ce que le Burkina Faso soit instable. Il y aussi le fait que sur le territoire ivoirien vivent près de 5 millions de Burkinabé, selon lui.

« Tu connais la Côte d’Ivoire ? » me demande Kouassi. « Non. J’ai juste fait une partie de mon enfance à Koumassi », répondis-je. Koumassi est un quartier d’Abidjan. « Et bien le premier maire de Koumassi était originaire du Burkina. Il s’agit de Benoit Ouédraogo », me réplique-t-il à son tour Kouassi. Une autre information qui me reste à vérifier même si ce n’est un secret pour personne que des Burkinabè d’origine ont occupé des postes clés dans les administrations ivoiriennes depuis très longtemps.

Aujourd’hui, après une période d’agitation, les deux États semblent privilégier la voie du dialogue pour régler leurs différents. Ce qui n’est pas du goût de certains acteurs de la société civile, notamment burkinabè. Mais souvent, c’est la réalité politique qui prévaut.