Le retrait des parcelles attribuées illégalement source de nouveaux problèmes
Au Burkina Faso, la commission d’enquête parlementaire a livré les résultats de son enquête concernant les parcelles illégalement acquises depuis 1995 dans certaines régions du Burkina Faso. Les députés de l’Assemblée nationale ont tout simplement décidé du retrait de ces parcelles estimées à plus de dix milles Francs CFA. Le retrait de ces parcelles détenues illégalement, plutôt que de résoudre l’accès au foncier sera source de nouveaux problèmes.
Cette affaire de parcelles illégalement attribuées a révélé de nombreux manquements et permis de dire haut ce que l’on racontait bas à l’époque. Les maires, des opérateurs économiques, des membres de la commission de lotissement, des parents de ces personnes concernées etc. ont profité de leurs positions pour s’octroyer des dizaines de terres alors que des résidents étaient obligés de se déplacer et d’aller squatter d’autres terrains. Le problème est très grave !
Le premier problème qu’il faut résoudre, c’est d’aller jusqu’au bout de l’enquête. Elle n’est pas achevée à mon avis. Si cette enquête a pu déceler des irrégularités, il faudrait tout de même que l’on puisse situer les responsabilités à tous les niveaux. Cela signifie que si les maires ont fauté, ils ont bénéficié de la complicité de protecteurs. Par exemple, un supposé fraudeur de parcelle a affirmé s’être attribué des terres sur injonction verbale de l’ancien Président Blaise Compaoré. Qu’est ce qui le prouve ? Aucune preuve formelle n’a été apportée. C’est pourquoi, cette affaire doit être confiée à la justice pour que les accusés puissent s’expliquer, se défendre et que tout la lumière soit faite. Par exemple, concernant le « site WATAM KAIZER installé sur les rives du canal du Mogho Naba la mairie n’a jamais su comment cette société a pu bénéficier de ce morcellement et qui en a donné l’autorisation». Il faudrait que chacun puisse s’expliquer sur cette affaire.
La justice doit être incontournable
Pour cela, il ne faudrait pas se contenter de ce que nous pouvons nommer ici comme la partie visible de l’iceberg dans la mesure. Bien que certaines personnes aient pu s’offrir des dizaines de parcelles frauduleuses, leurs octroies ou plutôt acquisitions peut s’être faite en toute légalité. C’est pourquoi il faut entendre, comme nous le disions plus haut, toutes les personnes concernées pour qu’elles puissent nous signifier s’il y a une complicité ou pas et de quelle ampleur. C’est à cette seule condition que la lumière pourra être faite sur ces affaires. A mon avis, malgré les résultats accablants, il faudrait accorder, quand même, un peu de bonnes foi aux détenteurs illégaux de parcelles. Par exemple, l’ancienne maire Séraphine Ouédraogo, est accusée d’attribution irrégulière de parcelles comme le souligne ce passage du rapport : « la majeure partie des lotissements n’a pas fait l’objet de mise en place de commission d’attribution de parcelles. En effet, dans l’ex arrondissement de Boulmiougou l’ex maire Mme Séraphine Solange Ouédraogo a attribué 2000 parcelles sans mettre en place une commission d’attribution ». Cela est-il vrai ? Comment cette maire a-t-elle eu le courage d’attribuer autant de parcelles sans mettre une commission en place ?
La question de la redistribution
Cependant, le principal problème que cela va engendrer c’est la redistribution. Ces détenteurs des parcelles illégales concernées ont peut-être acheté ces terrains en toute légalité auprès des premiers acheteurs frauduleux. Ils y ont construit des villas et y ont emménagé avec leurs familles peut-être. Et bien du jour au lendemain, ces personnes qui ont acquis leur parcelles à la sueur de leurs fronts vont se voir retirer ces parcelles.
Dans un Burkina post-insurrectionnel, où les esprits sont surchauffés, où les Burkinabè sont prêts pour la moindre revendication, j’imagine bien qu’ils ne vont pas se laisser facilement retirer ces parcelles.
Déjà, beaucoup de Burkinabè lésés dans les attributions de ces parcelles pensent que les résultats de ces enquêtes parlementaires vont enfin leur permettre d’entrer dans leurs droits. L’espoir risque de se transformer en véritable cauchemar. Deux camps, ceux qui détiennent déjà des parcelles et ceux qui attendent de recevoir, risquent d’entrer en confrontation si le gouvernement burkinabè ne fait pas attention à cette affaire qui frise le populisme.
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