Insurrection populaire au Burkina : Qui a tué à la RTB ?
J’ai suivi d’un air amusé la commémoration de l’an I de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a conduit au départ de Blaise Compaoré du pouvoir au Burkina Faso. Cette commémoration s’est déroulée sans que justice ne soit rendue. Et pour rendre justice, il faudrait savoir qui a tué qui quand, comment, pourquoi et comment ? Parmi ces morts de l’insurrection, il faut compter ceux tombés le 2 novembre 2015 au niveau de la télévision nationale du Burkina.
Le 2 novembre 2014, après la désignation de Yacouba Isaac Zida comme Président après le départ de Blaise Compaoré, l’opposition burkinabè a programmé un meeting à La Place de la Nation deux toujours après une insurrection populaire. Après quelques discours, Jean Hubert Bazié, membre de l’ancienne opposition annonce à la foule qu’il s’agit d’un meeting d’information et que chacun devait retourner chez soi. La foule refuse. Pas question qu’un militaire et particulièrement un ancien membre du régiment de sécurité présidentielle (RSP) en la personne du lieutenant-colonel Isaac Zida soit le Président. Après une concertation, les membres de l’ex opposition se retirent. Ils promettent de revenir avec des nouvelles. L’attente était longue. Très longue. Personne n’apparait. Quelques jeunes tentaient de galvaniser la foule à lançant des slogans. D’autres prononçaient des discours en attendant que l’opposition burkinabè prenne ses responsabilités en désignant en son sein une personne qui assurerait la transition jusqu’aux prochaines élections. Alors que le soleil assenait encore plus fortement ses rayons, un jeune pris le micro : « il y a une bonne nouvelle. On pourrait connaitre le Président d’ici là ». Quelqu’un annonça après que Saran Sérémé serait la prochaine présidente. Des acclamations ! Comme par coïncidence, elle arriva quelques minutes plus tard. Elle fut conduite sur l’estrade.
Séance tenante, les manifestants l’intronisèrent Présidente. Malgré les tentatives d’explications de la part de la bonne dame, la foule conduisit Saran Séré Sérémé à la télévision nationale pour qu’elle fasse une déclaration alors qu’elle était supposée se rendre au CFOP. Sentant le danger, son chauffeur éteignit le moteur de la voiture après avoir manqué le virage conduisant au siège du CFOP. C’était sans compter avec la détermination des manifestant qui poussèrent sa voiture jusqu’à la télévision nationale du Burkina. Elle s’y rendit malgré elle. Mais, Saran Séré Sérémé qui savait que faire une déclaration était inopportune s’enferma dans l’une des salles de la télévision nationale et tenta de dissuader certains leaders. La pression des manifestants étaient forte.
Saran Sereme Sere explique que les manifestants, qui la réclamaient à la tête de l’Etat, l’ont amenée de force au… https://t.co/lPSlPMbzfM
— Stella Nana (@StellaClaudy) November 2, 2014
C’est dans ce contexte que le général Kouamé Lougué arriva également avec sa garde. Surement, il n’attendait pas laisser Saran Séré Sérémé, une femme, dirigée le Burkina Faso alors que lui, le peuple a scandé son nom pendant toute la durée de l’insurection. Il se rendit donc dans la salle du journal télévisé. Il n’y avait aucun technicien pour retransmettre le discours en direct. Kouamé Lougué fit malgré tout sa déclaration devant des journalistes qui enregistrèrent.
Alors que l’on croyait que tout était fini et que Kouamé Lougué venait de remplacer un ancien membre du RSP, des militaires de ce régiment apparurent. Ils dispersèrent la foule à travers des coups de feu. On dénombra un mort. Deux dira-t-on par la suite. Kouamé Lougué, Président de quelques minutes s’enfuit et se réfugia chez le Mogho Naba Bangho le chef des Mossis. Il se serrait fracturer les deux jambes en tentant d’escalader le mur du palais. Quelques jours après, il était d’ailleurs transporté en Europe pour des soins. Depuis, plus de nouvelle.
Mais jamais, l’on a communiqué sur les morts de ce fameux 2 novembre 2015. Quelles sont les balles qui ont tué ? Faut-il mettre ces deux morts sur le compte du Blaise Compaoré ? De quels ordres répondaient ceux qui ont tiré ? Pourquoi ont-ils tiré ? Voilà des questions se posent surement les parents de ces victimes. Lors de l’hommage rendu aux disparus de l’insurrection, des parents de martyrs et des victimes ont étalé leur déception sur la façon dont ils ont été traités : justice non rendue, sentiment d’abandon.
Quelque part, certaines personnes ne souhaitent pas que toute la vérité soit faite sur les évènements qui se sont passés entre le 30 octobre et le 2 novembre 2015. On ne peut pas traiter le dossier de ceux qui ont été tués les 30 et 31 octobre de la manière que ceux qui l’ont été le 2 novembre 2015. Blaise Compaoré n’était plus au pouvoir depuis deux jours. On ne peut pas mettre ces évènements sur son dos. On dira peut-être que c’est l’une des conséquences… Mais certains ont tout simplement fait preuve de sauvagerie. De la vérité sur les tueries seront la preuve que le peuple burkinabè et ses dirigeants assument pleinement leur histoire et leur responsabilité sur tout ce qui s’est passé au Burkina ces dernières années. Il faudra montrer que la page a tourné.
Le 2 novembre aussi a montré la boulimie du pouvoir de certaines personnes. Cela a montré à quel point les hommes politiques étaient capables de se jouer des coups bas pour parvenir au sommet. L’ex CFO est resté muette face aux appels au secours de Saran Séré Sérémé. Par la suite, l’on a tenté malicieusement et sournoisement de lui faire porter le chapeau. Les nombreux témoignages ont montré qu’elle était plutôt victimes. Quel que soit ce qu’ils auront fait pour la Transition, ceux qui ont tué le 2 novembre devant la RTB doivent répondre devant la justice. Ils doivent s’expliquer. Cela permettra d’apaiser l’âme des disparus de cette date et le cœur de leurs ayants droits.
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