Le jour où le Burkina a eu trois présidents !
Très sagement, les Burkinabè ont nettoyé la ville de Ouagadougou le samedi 1er novembre 2014, jour de l’anniversaire de l’armée nationale. Mais le lendemain dimanche, ce semblant de calme a été brisé par un rassemblement à la place de la révolution (rebaptisée place de la nation par l’ancien président Blaise Compaoré) pour réclamer le départ du nouveau président Yacouba Isaac Zida. Les Burkinabè accusent l’armée de confiscation de leur révolution. Alors que les négociations prennent du temps et face aux hésitations, le général à la retraite Kouamé Lougué et l’ancienne députée du parti au pouvoir Sara Séré Sérémé passée dans l’opposition ont tenté de prendre le contrôle de l’Etat burkinabè. Une folle journée, ce dimanche 2 novembre 2014.
Pour une révolution, il s’agit vraiment d’une révolution. Les Burkinabè ne veulent pas se faire voler leur révolution. C’est pourquoi après la chute inattendue du président Blaise Compaoré ils se sont à nouveau retrouvés le dimanche 2 novembre 2014 à la place de la révolution (nom officiel place de la nation) pour exiger que l’armée rende le pouvoir aux civils. Si l’opposition a appelé à un meeting, l’un des principaux acteurs de cette révolution » le Balai citoyen » a refusé de prendre part à ce meeting. Ce mouvement a cautionné le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida comme chef de l’Etat. Ils le préféraient au colonel Honoré Nabéré Traoré. Ainsi Zida était bien président en cette journée du dimanche 2 novembre 2014.
Pendant le meeting, le représentant du chef de file de l’opposition politique (CFOP) burkinabè Jean Hubert Bazié livre un message dans lequel il appelle les Burkinabè à s’opposer à un régime militaire. Il exige de l’armée qu’elle rende le pouvoir aux civiles. « Il s’agit d’un meeting d’information. Vous pouvez rentrer chez vous », la phrase à peine terminée les manifestants désapprouvent. Yacouba Isaac Zida doit quitter le pouvoir avant midi ! Sara Séré Sérémé également de l’opposition prend la parole et tente de calmer manifestants. Au fur et à mesure, Maître Bénénwendé Sankara, Tahirou Barry, etc., prennent la parole dans ce sens. L’opposition se concerte et Sara Séré Sérémé prend le micro. Elle apprend à la foule que l’opposition s’est concertée et qu’une décision sera prise pour que les militaires quittent le pouvoir dans la journée même. Ils retirent après ses mots pendant que leurs supporters les attendent. Pendant ce temps, les manifestants sont bercés par la musique de Tiken Jah Fakoly, Alpha Blondy, Sana Bobo… de la musique reggae notamment. Une heure après le départ des représentants de l’opposition, l’impatience anime les manifestants. Ils protestent. « Où sont-ils ? », « Il faut que Zida parte avant midi », « le gouvernement aux civils », « où étaient-ils quand les militaires du RSP tiraient sur nos frères » ? lançaient les manifestants.
Sara Séré Sérémé élue présidente sur place
12 h 5, cela fait4 heures que les manifestants attentent et deux heures que les opposants sont partis «en concertation ». Tout à coup, une clameur monde. Des applaudissements se font entendre mêlés de cris de joie comme si la star des Étalons du Burkina Jonathan Pitroipa, venait d’inscrire un but.
Soudainement et en chœur, on attend « Prési ! Présid ! Prési ! Prési ! » Sara Sérémé a du mal à se frayer un passage jusqu’à l’estrade. Elle est transportée par les manifestants. Tout le monde veut la toucher. Elle arrive, tente de parler dans un micro mais une coupure d’électricité empêche l’utilisation de la sonorisation. Sara Séré Sérémé prend un mégaphone, mais personne n’entend ce qu’elle dit. Les manifestants rassemblés autour d’elle entonnent l’hymne national. La Ditanyé. Et c’est en criant « Prési ! Prési ! », qu’elle est raccompagnée dans sa voiture. Le cortège se dirige vers la télévision nationale du Burkina, saccagée trois jours plutôt ces mêmes manifestants.
Débandade à la télévision nationale du Burkina
A la télévision nationale du Burkina, la presse attend l’arrivée de l’ancienne députée et nouvelle présidente qui doit faire sa déclaration de chef de l’Etat. Soudain, c’est un véhicule 4×4 blanc qui pénètre la cour de la télévision nationale du Burkina. Surprise. Le général Kouamé Lougué apparaît. Ce dernier confie à la presse son intention de prendre le pouvoir après avoir, dit-il entendu l’appel de son peuple. Il s’infiltre dans le studio pour faire sa déclaration. Il la fera dans le studio du journal télévision. A peine a-t-il fini qu’arrive Sara Séré Sérémé. La 3e présidente de la journée après Zida et Lougué. Oui, pour la première fois de son histoire, une femme sera présidente au pays des hommes intègres. L’on s’imaginait déjà les médias internationaux reprendre cette information en vantant la maturité politique, mais aussi les avancées en matière de droits de la femme au Pays des Hommes intègres.
Pendant que Sara et Lougué étaient encore dans les locaux de la RTB, des voitures débarquent des soldats. Cette fois-ci, il s’agit des hommes de l’autre président… Zida. Quelques minutes plus tard, l’on entend des coups de feu. C’est la débandade. La foule se disperse. Si certains parlent de tirs de sommation, d’autres font savoir que les hommes de Lougué et de Zida se sont tirés dessus. Quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui en pâtit. Bilan : un mort. Plus tard, Yacouba Isaac Zida prend la main. Il redevient le seul président du Burkina.
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