J+4 du coup d’état : six morts, 108 blessés transportés à l’hôpital Yalgado Ouédraogo
Ce dimanche 20 septembre est la 4ème journée de l’officialisation du Coup d’état du Régiment de Sécurité de Présidentielle (RSP) contre le Président de la Transition Michel Kafando. Mais, le coup a commencé bien avant le mercredi 16 septembre 2015 avec la prise en otage du président et trois de ses ministres. Depuis, les tentatives de manifestations sont dispersées mais avec des conséquences : six morts, 108 blessés enregistrés à l’hôpital Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou.
Au service traumatologique de l’hôpital Yalgado ce dimanche, c’est une forte odeur de pourritures mélangée à celle de l’eau de javel qui accueille le visiteur. A l’entrée, un groupe de la Croix Rouge burkinabè disserte. Cependant, ils ont le droit de réserve tout comme les médecins. A l’hôpital Yalgado Ouédraogo, l’on a décidé de ne pas trop communiquer sur cette situation.
Ce dimanche, trois patients sont arrivés pour des coups et blessures. Parmi eux, Yacouba Traoré, installé au fond de l’une des salles du service traumatologique. Couché, il gémit, tourne sur lui-même, tente de se relever, se recouche, ouvre les yeux, regarde autour de lui. Tout cela se fait sous le regard d’un ami Arnaud Kaboré qui l’a accompagné. Lorsque ce dernier tente d’expliquer ce qui s’est passé, le patient interpelle : « Je peux parler ». Il raconte :
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« On était à Laico. Quand, on est arrivé, on a chanté l’hymne nationale. C’est après l’hymne nationale que le RSP est arrivé. Ils étaient tous cagoulés. On a essayé de fuir. Quand on courrait, ils ont commencé à tirer des rafales. Moi j’ai essayé de m’échapper. Je me suis retrouvé au niveau de CERCO. Là-bas, on était quatre. Ils sont arrivés. Les autres ont essayé de s’échapper. Je n’ai pas trouvé d’autre endroit. J’ai essayé de faire demi-tour. Ils m’ont poursuivi. Quand ils me poursuivaient, j’ai affronté un élément. Je ne pouvais pas. J’ai vu qu’il était seul. J’ai essayé de l’affronter. Je lui ai donné quelques coups. Quand ses éléments ont vu ça, ils étaient tellement énervés, ils m’ont poursuivi. J’ai sauté, un mur et j’ai vu un V8 qui passait (apparemment il est entré dans le véhicule). J’ai demandé au monsieur d’accélérer pour me sauver.
Il était au téléphone. Ils l’ont tiré des rafales. Il s’est arrêté. C’est là, il m’a livré et ils m’ont tabassé avec l’arme. Ils m’ont tabassé avec leur arme aux cottes, au dos, sur la tête. On me piétinait aussi. Il y a un autre qui disait de « finir avec lui ». Quand j’ai entendu ça, j’ai coupé la respiration pour avoir la vie sauve. Ils m’ont tabassé et à un moment donné, ils m’ont bougé pour voir. Je ne respirais pas. Ils sont partis. Quand, ils sont partis, je me suis levé. J’ai vu un monsieur. C’est lui m’a amené au bord du goudron. J’ai appelé des amis et ils m’ont amené ici ».
D’autres fréquentent les locaux de l’hôpital Yalgado Ouédraogo depuis plusieurs jours. C’est le cas de Eric Sandgié, le bras droit dans un plâtre après avoir reçu une balle. Le jeudi 17 septembre 2015, il tentait de rentrer chez lui mais les voies étaient barricadées ou occupées par le RSP.
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« Arrivé au niveau de la cathédrale, ils ont barré leur voiture et ils tiraient partout. Je suis reparti au niveau de l’école Saint Exupéry pour aller passer au niveau de la direction des sapeurs-pompiers. Quand je suis arrivé à la direction des sapeurs-pompiers j’ai vu que d’autres ont barré la voie avec un cargo et deux militaires qui étaient sur une grosse moto. Ils ont garé la grosse moto et ils sont venus vers nous.
Quand, ils arrivent tout le monde ronflent sa moto et repart d’autres courent. Quand j’ai voulu me retourner avec mon vélo, celui qui était sur la moto a tiré sur mon bras. Mon bras s’est cassé. La balle est sortie par derrière. Je suis tombé. Un gars a enlevé son débardeur pour poser un garrot. Les sapeurs sont sortis. Tous leurs véhicules étaient occupés. Il y a un qui m’a mis au dos et m’a envoyé vers une clinique. C’est là-bas qu’ils ont nettoyé, puis cousu le bras. C’est avec leur ambulance qu’on m’a amené ici. (…).
Youssef Ouédraogo, lui habite le quartier Larlé de Ouagadougou. Ce samedi 19 septembre 2015, il a subit la furie des éléments du RSP alors qu’avec des amis, ils manifestaient pacifiquement selon lui. Il a eu une dent cassée :
« On nous a frappé vers Larlé hier (samedi 19 septembre) vers 9 heures. On m’a envoyé à Pogbi. Maintenant ça va. Comme j’ai des troubles de vision et j’ai mal à la dent, on m’a dit de venir ici. C’est imb…… avec la tenue du RSP, teint clair. Je sais que si on se croise un jour en cours de route, je ne le laisserai pas.
On revendiquait notre droit. On ne brûlait rien. On était à côté de la gare de Rakiéta. Nous sommes un groupe, Ouaga 24. Ils étaient deux militaires. Ils sont venus. Ils nous ont flattés en nous disant : « nous sommes avec vous ». Ils ont demandé des cigarettes. Nous avons dit qu’il n’y a pas de cigarettes ici. Puis on s’est mis à crier « Libérez Kafando, Libérez Kafando ». Le temps qu’on se rende compte, ils nous ont pris par surprise. Mon compagnon, lui il saigne du nez. Ils ont d’abord tiré. On n’a pas reculé. On avançait. Les autres ont fui. On était cinq contre eux. C’est à ce moment que l’un d’entre eux a pris une kalach pour taper mon compagnon ».
A l’hôpital Yalgado Ouédraogo, certains confient que c’est le premier jour de la répression qu’ils ont eu des problèmes. Certains refusaient de se rendre au service à cause de l’insécurité. Mais selon des informations recueillies sur place, la plupart des agents vient. Ils ont aussi l’appui de volontaires.
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