Burkina : comment Yacouba Isaac Zida s’est discrédité

Article : Burkina : comment Yacouba Isaac Zida s’est discrédité
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5 juillet 2015

Burkina : comment Yacouba Isaac Zida s’est discrédité

Depuis quelques jours, le régiment de sécurité présidentielle (RSP), la garde présidentielle de Blaise Compaoré, est secoué par une tension. Celle-ci est née de l’audition de certains membres de cette unité de l’armée burkinabè sur la base de rumeurs selon lesquelles la sécurité du premier Yacouba Isaac Zida, pourtant ancien numéro 2 du RSP, serait menacée par cette unité. Les tensions qui fréquentes entre le premier ministre et ses anciens collaborateurs ont fini par le discréditer.

Pas de militaire au Burkina

Ce n’est pas la première tension entre le premier ministre Yacouba Isaac Zida et les autres membres du RSP. Le premier Yacouba Isaac Zida a allumé la première mèche en annonçant à la place de la nation (ou place de la révolution), le 31 octobre 2014 que le RSP sera dissout dans la ferveur et l’euphorie de l’insurrection populaire. Pourtant, l’on raconte qu’il a été envoyé par Gilbert Diendiéré qui aurait dû représenter le RSP lors de la réunion des chefs militaires.

Par la suite, Yacouba Isaac Zida qui venait de goûter aux délices du fauteuil présidentiel s’est fendu en de multiples promesses comme un président nouvellement élu à la tête d’un Etat oubliant qu’il a été parachuté à la suite de multiples manifestations. Bien que dans la soirée du 2 novembre 2014, à travers un communiqué lu par Auguste Dénis Barry, ce dernier affirmait que l’armée ne voulait pas le pouvoir. Pourtant quelques heures avant, celle-ci a réprimé des manifestants qui ont tenté d’installer l’ex-députée Saran Séré Sérémé comme présidente de la transition à la place de Zida. Le général Kouamé Lougué, que les manifestants ont réclamé et qui avait refusé a fini avec les deux jambes cassées. Il avait tenté de se faire investir.  Il y aurait eu deux morts ce jour-là à la suite de la répression.

Ayant pris la main et désormais seul maître à bord avec comme lieutenant Auguste Denise Barry, Zida a entrepris des consultations qui ont abouti à la rédaction d’une charte de la transition. Au départ, l’armée a voulu avoir les pleins pouvoirs avant de faire des concessions après de nombreuses pressions. Le candidat proposé par l’armée pour assurer la transition Michel Kafando est désigné président pour conduire le pays jusqu’aux élections du 11 octobre 2015. Kafando nomme Zida premier ministre. Grave erreur ! Zida aurait pu entrer dans l’histoire s’il avait refusé ce poste de premier ministre et s’était mis à l’écart de la politique. Mais le pouvoir à ce quelque chose de si attirant, de si irrésistible qu’on ne peut se détacher si facilement. Blaise Compaoré le sait bien. C’est à partir de ce moment que les problèmes de Zida ont commencé.

La suite donnera raison à tous ceux qui estiment que le lieutenant-colonel aurait dû s’éloigner du pouvoir. Il entreprend une série de nominations et de remaniements qui va toucher l’armée. Il décide de la suspension de primes annuelles remises au RSP. La goutte d’eau qui fait déborder le vase. Le 30 décembre 2014, le RSP aurait humilié Zida en l’imposant des piloris comme à un élève qui ne connaît pas ses leçons. Des revendications sont faites et un délai lui est donné pour les satisfaire.

A la date du deadline, Zida ne s’exécute pas. Il est obligé ce jour-là de se réfugier au palais du Mogho Naba. Des militaires du RSP l’attendaient au Conseil des ministres d’ailleurs reporté pour lui régler son compte. Avec les tractations ils accèdent aux doléances du RSP en renonçant à la nomination de membres du RSP parmi lesquels le colonel Gilbert Diendéré dans des ambassades à l’extérieur du pays, le colonel-major Boureima Kiéré est nommé chef d’État-major particulier de la présidence en remplacement du colonel Omer Bationo…Le compromis trouvé le 4 janvier 2015 lui permet de rester à son poste. Cette crise va beaucoup fragiliser Zida qui opte pour le silence et limite ses apparitions publiques. Dès ce moment, le président Michel Kafando commence à devenir le véritable maître du gouvernement de la transition.

A la mi-avril 2015, lors d’un voyage aux Etats-Unis, Zida se prononce contre la dissolution du RSP. Confirmation le 12 juin 2015 au Conseil national de la transition (CNT) lors d’un discours sur l’état de la nation. Ces déclarations sont d’ailleurs de lui  : « Ça fait 20 ans que je suis au RSP, je connais les capacités de ce régiment, je confirme que nous en avons besoin ». Ces déclarations devaient sceller la réconciliation entre Zida et le RSP surtout qu’un comité de réflexion a été mis en place pour voir la forme que devrait prendre le nouveau RSP. Des pistes ont été avancées. Faire du RSP une cellule de lutte antiterroriste par exemple.

A la suite de ces déclarations, le Balai Citoyen qui a toujours soutenu le premier ministre a animé une conférence de presse le mardi 23 juin 2015 pour exiger la dissolution de cette unité de l’armée. Cette sortie n’arrange pas vraiment le premier ministre. De l’autre côté, le RSP considère certaines organisations de la société civile (OSC) comme des pions de Zida. Et l’objectif était d’utiliser celles-ci pour obtenir la dissolution du RSP trop indépendante.

L’audition des membres du RSP rendue publique sur les rumeurs de préparation d’assassinat contre Zida va activer à nouveau la flamme de la discorde. Ils réclament la démission de Zida et les quatre autres militaires du gouvernement de la transition. Une nouvelle situation qui va affaiblir à nouveau Zida. Des révélations graves et compromettantes pour Zida sont livrées ce dimanche 5 juillet 2015 par le site Lefaso.net. Le premier ministre compte des espions dans le RSP dont l’objectif était d’assassiner certains membres de cette unité. Si ces informations sont fondées, ce serait un coup dur pour l’actuel premier ministre. Cela donnera raison également à tous ceux qui pensent que les OSC ont commis une erreur en cautionnant la désignation de Zida comme chef de l’Etat le 31 octobre puis en l’admettant ainsi que les autres militaires dans le gouvernement.

En plus de cela, Zida s’est fait contredire sur plusieurs questions par Michel Kafando à propos de l’extradition de  Blaise Compaoré.  Il a aussi fait une fausse déclaration en affirmant que la société SOCOGIB a été attribuée à Alizéta Ouédraogo pour un franc symbolique.

Tous ces faits ont fini par discréditer le premier ministre.

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Commentaires

Mouscoul
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Laissez ZIDA poursuivre la transition en paix.vous devez plutot accusé les OSC. ZIDA ne fait que suivre les souhaits qui arrangent la société.

Judicael
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Par inexpérience, Zida a fait des déclarations au début de la transition sous l'effet foule. Mais aujourd'hui, il faut que tout le monde se calme. Le RSP, Zida, les OSC. Il faut plutôt faire tout pour réussir la transition. Le départ de Zida et de tous les militaires du gouvernement n'arrange pas les choses à trois mois des élections.