Footballeur africain, donne-moi ton âge, je te dirai que tu triches
Lorsque vous demandez à un football africain quel est son âge, plutôt que de vous répondre, il vous pose la question suivante : « Mon âge de football ou bien mon vrai âge ? » Oui, bien évidemment, parce que les footballeurs africains ont deux, trois… plusieurs âges.
Difficile de connaître l’âge réel d’un footballeur africain. Lors des compétitions des petites catégories notamment la compétition des moins 17 de la FIFA, le constat que l’on fait en général, c’est que les jeunes représentants du continent africain sont plus costauds que leurs camarades des autres continents. Il n’y a pas longtemps, je regardais des images de la CAN 1999 des moins de 17 ans organisée en Guinée-Conakry. Le gabarit des joueurs m’a fait sourire. Ces joueurs-là n’avaient pas 17 ans !
La tricherie sur les âges est très fréquente en Afrique. Pour illustrer cela, lors de la récente Coupe d’Afrique des moins de 17 ans remportée pour la Côte d’Ivoire, neuf joueurs ont été écartés pour avoir falsifié leur âge. Les jeunes Africains qui veulent à tout prix se rendre en Europe où les attendent des contrats mirobolants n’hésitent pas à frauder sur leur âge en présentant de faux documents, de fausses identités. C’est ainsi qu’un joueur de 21 ans (de la catégorie espoir ) avec un petit gabarit, mais qui ne peut pas s’imposer avec des joueurs de son âge diminue le sien sur le papier pour jouer avec ses petits frères dans une catégorie inférieure dans laquelle il devrait en principe faire valoir ses talents. Malheureusement, cette tricherie se passe avec la complicité des fédérations, des agents de joueurs, d’entraîneurs et même de certaines autorités politiques.
Falsifier son âge pour aller en Europe
Pourquoi font-ils cela ? D’abord, cette manière de procéder permet à certaines nations d’Afrique de s’imposer dans les compétitions de petites catégories. Ainsi, des joueurs de plus de 20 ans, mais prétendant avoir moins de 17 ans se retrouvent à disputer des compétitions de cadets d’abord entre eux, et ensuite contre des enfants âgés réellement de moins de 17 ans. Mais, le jeu est faussé.
Ensuite, il y a les agents de joueurs, qui dans l’optique de placer des joueurs à l’étranger, fabriquent des faux documents pour eux. Les joueurs ne comprennent pas tout de suite que cette tricherie ne les aide pas. Elle tue le football et le talent. Pour intégrer les centres de formation, c’est la même procédure. Des vieux joueurs qui ne seraient même pas remplaçants s’ils jouaient avec des gars de leur âge trichent pour se faire recruter. Beaucoup de recruteurs sont conscients du phénomène, sont informés, mais ferment les yeux ou même y participent !
Lorsque des agents de joueurs repèrent un joueur jugé vieux, ces derniers les aident à faire de faux documents en diminuant leur âge. Les autorités administratives y contribuent puisque ces papiers sont faits dans les mairies, les commissariats, les préfectures… Après cette étape, ils mettent tout en œuvre pour que ce joueur puisse jouer en équipe nationale des petites catégories pour être vendable.
La conséquence de tout cela, c’est que ces petits génies repérés supposément jeunes n’arrivent pas à percer au moment même où ils sont attendus. D’abord, un jeune de 21 ans se rajeunit de quatre ou cinq ans pour pouvoir jouer en équipe cadette se retrouve à 21 ans (l’âge du papier) avec un âge réel de 25 ou 26 ans. Sur les papiers, ils sont nés le 31 décembre. Cela permet de pouvoir participer pendant toute une année à une compétition. Les plus subtiles ou les moins malins gardent leur date d’anniversaire. Certains choisissent par erreur le 1 janvier.
La tricherie sur les âges tue le football
Il arrive qu’au moment où ils doivent être au sommet de leur carrière, ces derniers n’arrivent plus à jouer dans une équipe de haut niveau. Pour les tricheurs qui ont de la chance, le simple fait de taper le ballon chaque soir dans un pays occidental leur confère le titre de « professionnel » ! Ils ont de temps en temps, des convocations en sélections. N’arrivant plus à s’imposer en Europe, ils ont honte de retourner en Afrique. Certains parmi eux ont moins de 18 ans , mais ont un ou deux enfants.
Sinon, comment comprendre qu’à partir de 28 ans, certains joueurs africains sont annoncés vieux, alors qu’il s’agit de l’âge de la maturité, de l’expérience pour encadrer les jeunes ? A 25 ans, certains footballeurs n’arrivent plus à courir sur le terrain. Nii Lamptey, Taribo West, Rigobert Song, Adel Apoula etc. sont soupçonnés d’avoir falsifié leur âge.
Falsifier son âge fait partir des moyens pour des footballeurs africains. D’autres changent carrément leur identité. Un ami m’a d’ailleurs expliqué une fois comment cela se faisait. « A l’école, on avait un tournoi de l’USSU-BF a disputer, j’étais trop frère selon l’entraîneur pour jouer. On a donné mes papiers à un gars plus âgé d’une autre classe ». Il s’agissait en fait de deux homonymes parfaits. Ils avaient les mêmes noms et prénoms. La différence se trouvait au niveau de leur âge. J’ai posé la question à un entraîneur burkinabè. « Les enfants se font du mal. Quand ils arrivent au centre de formation avec un âge falsifié, ils subissent des entraînements des joueurs de ce niveau. Ce qui ne leur permet pas de progresser. Quand ils se blessent, ils sont soignés en fonction de cet âge. Puisqu’ils ont triché, ils prennent plus de temps pour guérir, certains rechutent d’autres sont rattrapés plus tard », confie Oscar Barro, coach du Racing Club de Bobo Dioulasso (RCB) qui reconnaît que le phénomène existe au Burkina Faso. Effectivement, je me rappelle bien qu’il n’y a pas longtemps, un joueur burkinabè dans championnat local a été suspendu pour avoir retranché près de 10 ans sur son âge afin de jouer avec les moins de 17 ans. Autre conséquence que ne prennent pas en compte les joueurs, c’est quand trichant sur l’âge, ils perdent tous leurs documents à savoir les diplômes pour ceux qui font des études.
La falsification des âges ne concerne pas uniquement les Africains. La supercherie existe aussi en Amérique du Sud. Récemment, l’attaquant de Monaco Falcao était soupçonné d’avoir triché sur son âge. La FIFA a décidé d’introduire des tests d’Imagerie par résonance magnétique (IRM). Cela a permis de détecter certains tricheurs, mais ne semble pas résoudre le problème. Il y a des joueurs qui passent toujours à travers les mailles. En plus, l’IRM ne concerne que les joueurs de moins de 18 ans parce qu’après cet âge, l’ossification prend fin. Mais dans la catégorie junior, il n’y a aucune méthode.
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