Billy Billy (rappeur ivoirien), bientôt en guerre contre la Françafrique

4 juillet 2011

Billy Billy (rappeur ivoirien), bientôt en guerre contre la Françafrique

Le rappeur ivoirien Billy Billy était à Ouagadougou pour le festival Ciné droit Libre où il devait prendre part au « concert des grandes gueules » aux côtés du Sénégalais Didier Awadi, les Burkinabè Smockey et Faso Kombat (Ndlr, les enfants du Faso). Artiste engagé, il parle de la crise qui a secoué son payé, de la françafrique et de ses projets. L’artiste, de son vrai nom Serge Yao Billy garde son humour et son langage direct que l’on entend dans ses chansons. Long entretien…

Vous attendiez-vous au succès qu’à connu votre premier album sorti il y a quatre ans ?
Non parce qu’à ce moment le rap ne marchait plus en Côte d’Ivoire. A partir du moment où la piraterie tue les artistes, ce n’était pas évident de trouver un producteur, ce n’était pas évident de se faire écouter parce que pour que tu sois médiatiser, il faut faire du coupé-décalé, c’est ce qui marche. On ne s’y attendait pas mais dieu merci on avance.

Vous saviez que le rap ne marchait pas en Côte d’Ivoire et vous vous êtes quand même lancez. Qu’est ce qui vous a motivé ?
C’était une question de conviction. Peut-être que c’est mon destin que j’ai suivi. Sinon, il y en a qui ont fait d’autres musiques et ça n’a pas marché. Je croyais en la véracité de ce que je disais. Je me suis entêté, je me suis accroché à ma conviction et aujourd’hui ça paye.

Il faut s’accrocher à ses rêves, il faut s’accrocher à ses convictions.

Quels messages Billy Billy véhiculent dans ses chansons ?
Le message, c’est qu’on peut quitter Anoumabo (un quartier populaire d’Abidjan) et être au sommet du monde comme A’ Salfo (leader du groupe Magic Système) parce que seul le travail paie. Si vous voulez, en d’autres mots on peut partir de rien pour être quelqu’un. Il faut s’accrocher à ses rêves, il faut s’accrocher à ses convictions. Ne restons pas à la maison, les bras croisés en attendant le Christ Sauveur. Chacun peut changer le monde à sa manière. C’est ce message qu’on lance. Quand j’ai chanté « Bété a réussi », ce n’était pas pour frimer mais pour montrer aux gens qu’on a le droit d’y croire parce qu’on est encore en vie. Ceux qui vivent sont ceux qui luttent.

On peut également quitter Wassakara pour être au sommet du monde ?
Voilà ! Tu vois ce que je veux dire ?
Quand on décortique la pauvreté, ce n’est pas parce qu’on se plait dedans. C’est pour que les gens se bousculent. Si à 35 ans tu dors encore dans le salon de ton oncle pendant le petit Blanc à 18 ans a envie de prendre son indépendance économique c’est une question d’Etat d’esprit. On a l’impression que la jeunesse prend conscience tardivement en Afrique. Donc à travers nos chansons on essaie de faire passer le message à travers l’humour pour « télécharger » tout le monde

On vous connait à travers vos textes engagés. Vous parlez de façon crue. Est-ce que vous n’avez pas peur de choquer les gens ?
C’est l’objectif. On cherche à choquer. La vérité fait peur. Quand on est déjà né on va forcement mourir un jour. On a peur de quoi ? Même faire l’amour, c’est dur: la première fois tu avais peur mais après tu as vu que c’est passé facilement. C’est un peu cela mon engagement. La première fois tu te demande si ce que tu as dit ne va pas te causer des ennuis. Mais après tu te rends compte que c’est un combat parce qu’il y a des gens qui croient en toi. Surtout quand tu es dans ta voiture et que les gens s’approchent de toi et te disent « Joh, ce que tu as dit, c’est comme si tu parlais pour nous. Vraiment on est avec toi. On a pas de l’argent à te donner mais tu as nos bénédictions ». Tout cela nous réconforte. Quand tu es dans la vérité, tu ne souffres pas. Quand vous regardez Jésus, je fais toujours références à lui parce que je le considère comme le plus grand philosophe du monde, il n’avait rien mais il avait sa vérité. Aujourd’hui, c’est lui qu’on prie. Au début, on nous traite de fous… Même le fou du village, écoutez le, vous verrez qu’il y a de la vérité dans ce qu’il dit. Donc, il faut souvent faire attention à ce qu’il dit. Nous avons choisis d’être révolutionnaires et on l’assume. On veut le changement. C’est la seule vérité à laquelle on croie.

Pourquoi on ne demande pas à Blaise Compaoré, à Alassane Ouattara ou à Abdoulaye Wade à part « Président » tu fais quoi ?

N’avez vous pas peur de mettre votre vie en danger ?
C’est un choix qu’on assume. Personne ne nous a forcés. En même temps que j’ai peur pour ma vie, en même temps ceux qui veulent me porter atteinte ont peur. Les politiciens ont peur de nous. Moi on paye pour venir me regarder. Les politiciens payent pour qu’on vienne les regarder. Qui est fort ? Quand je fais mes concerts les gens payent pour venir me regarder. Mais le politicien paye des gens, il distribue des tee-shirts pour qu’on vienne le regarder. Tu vois ? C’est pour te dire que ce que nous faisons, il y a une force dedans. De la manière dont nous avons peur, de cette même manière les politiciens ont peur. On connait les risques qu’on court mais on a choisi donc on assume.

Pourtant après le second tour des élections en Côte d’Ivoire, on a appris que Billy Billy avait fui le pays
Non. Je n’ai pas fui le pays. Je ne me suis pas fait enrôler. Je ne voulais pas voter. Je n’avais pas envie de parler aux journalistes. Les gens voulaient forcement connaitre mon point de vue. « Mon frère il faut dire ceci ou cela ». Je me suis retirer à Dakar parce qu’il y avait trop d’éléments incontrôlés en Côte d’Ivoire. Au-delà de tout, il fallait protéger une famille. Ce n’est pas une fuite en avant. La preuve, la guerre m’a trouvé là bas. J’ai fais les deux mois en Côte d’Ivoire. On n’arrivait pas à manger, ça tirait partout, les hélicoptères tournaient. C’était tragique mais on était là avec la population. Mourir à 16 heures et mourir à 20 heures, c’est la même mort. Il y a des gens qui ont voulu fuir le pays. Ils ont pris toute leur famille et à l’entrée du Ghana, la voiture s’est renversée et tout le monde est mort.
Dans la vie quand tu n’as rien à dire ferme ta gueule. Il ne faut pas parler parce qu’il faut parler. On est dans un contexte où les gens pensent que les élections sont la solution à un problème on s’est rendu compte que la solution est devenue le problème. On se disait qu’après les élections le pays sera libéré mais cela nous a fait chier.

Pourquoi Billy Billy se fâche t-il quand on lui demande s’il fait autre chose à part la musique ?
C’est dommage. Il y a certains journalistes qui n’ont pas le niveau. Pourquoi venir me poser des questions élémentaires après la musique ce que je fais ? Pourquoi on ne demande pas à Blaise Compaoré, à Alassane Ouattara ou à Abdoulaye Wade à part « Président » tu fais quoi ? Donc, c’est pour eux qui est « travail » pour nous c’est pas « travail « ? Pourquoi, on ne voit pas la musique comme un boulot? Moi quand on me pose cette question, c’est une atteinte à ma personne. Sur ma carte d’identité, c’est écrit profession musicien et j’en suis fière. J’ai posé la question à un journaliste à savoir à part le journalisme ce qu’il fait ? Il m’a répondu qu’il est juste journaliste. Donc j’ai répondu aussi que j’étais juste journaliste.

La Côte d’Ivoire à un nouveau Président, Alassane Ouattara. Billy Billy penses t-il qu’il peut ramener la paix dans son pays?
Cela ne dépend pas du nouveau Président. La paix, c’est état d’esprit, la guerre, c’est un état d’esprit également. Arrivé à moment, on a cultivé l’esprit de guerre. « Si mon Président n’est pas passé on va se tuer ici ». C’était ce qu’il y avait sur les lèvres des Ivoiriens. Il faut que ça roule. Il faut qu’on se dise que la guerre a été politique, économique, militaire. Quelqu’un a gagné. Il y a eux deux Présidents. Je n’ai jamais vu un pays où il y a deux présidents. Aujourd’hui, c’est un qui resté au pouvoir. Nous, on est dans le camp du peuple. Si le travail est bon nous applaudiront. Si le travail est mauvais on va le lui dire en face. Qu’on ne prenne pas cela comme une injure. La paix, il faut que chaque ivoirien commence à la cultiver. Ce qui s’est passé, je ne pense pas qu’il y ait un ivoirien qui veuille revivre cela. Il faut avoir un langage de paix, un langage modéré, tuer les passions. Les gens ont vu quand ils sont allés se réfugiés dans les pays voisins le traitement qui leur a été réservé. On est mieux que chez soi. Il faut qu’on sache que dans le pays, il y a des limites qu’on ne dépasse pas.

Faut-il libérer Laurent Gbagbo avant de parler de réconciliation ?
Ces questions sont trop techniques pour moi. Je ne rentre pas trop dans les débats de personnes. Dans une chanson, je dis ceci : « Président Alassane, Président Gbagbo, vous êtes des frères. Y a pas anciens frères ». C’est la que j’ai terminé mon discours. Il y a des messages, quand tu les lances, ça veut déjà tout dire. Il faut savoir que tous les actes que tu vas poser, c’est à ton frère. « C’est vous qui avez dit à la télévision que vous vous appelez, alors si c’est gâté appelez-vous au lieu de vous entredéchirer ». Pour dire que dans les débats, il « faut libérez Gbagbo» je n’entre pas trop dedans.

On a dû utiliser la manière forte pour résoudre la crise ivoirienne. Billy Billy était pour ou contre l’usage de la force ?
Moi j’étais opposé à l’usage de la force. Depuis le début, vous avez parlé de dialogue (Ndlr, ils s’adressent aux protagonistes de la crise ivoirienne), terminez par le dialogue. Vous êtes parti à Marcoussis, vous étiez à Accra 1, 2, 3, à Lomé etc., la situation avançait. Que cela prenne le temps qu’il faut, il fallait restez dans le dialogue parce que c’est par là que cela vous avez commencé. Avec la force rien ne se résout. Tu as tué des gens, une autre personne vient il tue des gens. Vous vous entretuer. Il y a des frustrés. Est-ce qu’ils vont digérer ? Est-ce qu’ils vont laisser tomber ? Est-ce qu’ils vont réellement pardonner ? Il y avait un facilitateur (Ndlr le Président Blaise Compaoré), il fallait continuer avec lui.

Quand tu regardes film de guerre à la télé, tu es enjaillé. Mais quand balle perdu traverse ton immeuble pour venir casser ta télé. C’est là tu vas comprendre que ce qui est sur pistolet, ce n’est pas un jouet. Demandez-vous pourquoi quand tu demandes bonjour à un Rwandais, il te dit peace and love.

Ce que vous avez vécu durant cette période va faire l’objet d’un album ?
Non. Dans mon prochain album, je ne vais pas me moquer de Gbagbo. Je critique ceux qui sont là pendant qu’ils sont là. Ce ne sont pas des règlements de compte. Je les ai critiqués pendant qu’ils étaient là. Je ne vais pas tourner le couteau dans la plaie. Je dis ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, personne ne veut revivre ça. Mon ami, Gbagbo, il y a des gens qui l’aiment, qui sont prêts à mourir pour lui. Il y a des gens qui croyaient en lui à un certain moment. Il ne faut pas frustrer ces gens là. On a besoin d’eux pour reconstruire le pays puisqu’on parle de réconciliation. Et quand on parle de réconciliation, c’est avec son ennemi, ce n’est pas avec son ami. Comme lui (Alassane Ouattara) il vient d’arriver, ce serait un album de mise en garde. Je ne vais pas rentrer dans les détails de « qui a tuer qui ?, qui a tué avant qui ?» On ne va pas s’en sortir comme ça. Dans tous les camps, il y a des bons et des mauvais. Les balles ne vont pas seules. Il y a des gens qui tirent. Ce sont des Ivoiriens qui ont tiré sur des Ivoiriens.
Avec mon ami Dj Blisco, on en a parlé. Aujourd’hui, c’est considéré que l’hymne de la paix en Côte d’ Ivoire. On a trouvé les mots justes pour parler aux Ivoiriens.
On dit :

« Quand tu regardes film de guerre à la télé, tu es enjaillé. Mais quand balle perdu traverse ton immeuble pour venir casser ta télé. C’est là tu vas comprendre que ce qui est sur pistolet, ce n’est pas un jouet. Demandez-vous pourquoi quand tu demandes bonjour à un Rwandais, il te dit peace and love. C’est parce que la guerre, il connait les malheurs que ça cause. Dans cette guerre, chacun a perdu quelqu’un. Je ne vais pas te demander ce que tu as perdu. Mais pardon ne me demande pas ce que j’ai perdu. Ce que je peux te dire c’est « Yako (Ndlr expression ivoirienne exprimant la compassion) ». Si je t’ai fais quelque chose pardon… Si tu as un pagne orange, il faut l’envoyer, si l’autre à un pagne blanc, il n’a qu’a envoyer, celui qui un pagne vert il n’a qu’a envoyer…»

Il y a une ONG mondiale qui veut associer son image à ce morceau parce qu’ils ont compris ce que nous voulions pour notre pays. La période des campagnes est passée. Ce qui est arrivé est arrivé. Tournons la page. Sans la paix, il n’y a rien. C’est comme un portable sans puce.

Votre futur album parle de France-Afrique. Pourquoi ce sujet ?
L’album sera assez ouvert. Désormais, le message il n’est plus destiné seulement aux Ivoiriens. J’ai choisi la Francafrique parce qu’il est d’actualité. Après 50 ans, on a besoin d’une vraie indépendance. Que les Blancs nous excusent mais qu’ils s’arrêtent de s’ingérer dans nos affaires. On peut travailler ensemble en l’exemple de la coopération nord-sud. Mais que cela soit sur de bonnes bases. Un partenariat gagnant-gagnant mais je constate qu’il y a trop de lâchetés, trop de combines, trop de machinations au vu et au su de tout le monde.

Je dis dans un de mes titres :

Peut-être qu’il écrit que l’esclave soit pour qu’on ait les États-Unis d’Amérique. Peut-être qu’il était écrit que Égypte soit pour qu’on ait l’écriture en Afrique. Ceux eux qui nous ont appris à lire, c’est eux qui nous ont appris à écrire aussi. Mais ce n’est pas eux qui viendront nous apprendre à réfléchir. Il est important qu’on arrête d’accuser l’occident parce que pendant la traite négrière. Ce sont des Noirs qui ont donné des Noirs à des Blancs. La vérité est là, elle est claire sur nos yeux mais pourquoi on la voit pas. L’Afrique l’Amérique en passant par la France, le commerce triangulaire est existe encore sous une autre forme. Notre or, notre pétrole, notre diamant, notre café, notre cacao. C’est vrai qu’ils ont pillé notre richesse mais ne me dites pas qu’ils ont pillé nos cerveaux…

C’est pourquoi je dis « dédicace à Thomas Sankara qui a payé de sa vie pour combattre le système, Mais dédicace aussi à tous ces judas qui ont accepté de salir leurs mains de son sang parce qu’ils étaient complices du système ».

En Afrique on a le droit de voter, mais en Afrique on a le devoir d’accepter les résultats certifiés par les Champs-Élysée… » C’est un cela le message.
Vous ne remarquez pas que les choses sont en train de changer ? Ça commence à venir. Il y aura un jour ou comme seul homme, on dira trop c’est trop.
Il y a des tentatives de modifications de constitution en Afrique…
Mais c’est ce qu’on chante. On veut dire trop c’est trop. Souvent, il faut dire « non ».
Les gens prennent plaisir à tordre le coup à la constitution et personne ne parle. Ils achètent les opposants. Ici même, il n’y a pas d’opposants. C’est des opposés. Des gens qu’on paye pour faire comme s’ils étaient des opposants. C’est dommage. Il faut que les gens se lèvent. C’est pourquoi il y a des gens comme Smockey qui luttent. Je veux qu’il y ait un article dans toutes les constitutions d’Afrique qui stipule que celui qui a fait douze ans au pouvoir, qu’il soit bon ou pas, qu’il dégage. Chacun à son niveau doit apporter sa pierre pour construire le pays. Tu n’es pas le seul. Dégage (Ndlr, il s’adresse aux dirigeants africains). Des gens qui ont 85 ans et qui s’accroche. On est en république et non en royaume. Tu es un Président, tu n’es pas un roi. On n’est pas au temps de Béhanzin. Que les gens arrêtent de présenter l’Afrique comme au temps de Tarzan. Quelqu’un qui soutient son fils qui a cinq ministères, ça fait des frustrés. Pourtant, il y a étudiants qui ont la tête pleine. Remarquez, les premiers Présidents ont fait au moins 20 ans. C’est parce le peuple dormait. Aujourd’hui tout à changer. Il y a tout ici. C’est ici que la France s’enrichit. Vous ne remarquez pas que les grandes puissances s’intéressent à l’Afrique. Ils s’immiscent dans nos guerres, ils adoptent des résolutions. Même les Etats-Unis qui ne s’intéressaient pas aux affaires africaines. Barack Obama commencent à s’impliquer. Regardez ces guerres bizarres en Libye. Qu’est qu’on lui veut à Kadhafi ?

Ce qui signifie que Billy Billy est contre les bombardements de l’OTAN ?
Dites moi ce qu’on lui reproche. Il faut arrêter. Si sa population est contre lui, elle va se soulever. Il ne faut pas prendre des plaisantais pour une rébellion. Il y a quel pays au monde où les chômeurs sont payés ? Dans quel pays où même les boutiques sont climatisées ? Ne manipulez pas un groupuscule à Bengazi pour nous faire croire à une rébellion. C’est ce que je dénonce dans l’une de mes chansons :

Expulser un enfant de tirailleur du sol français, c’est un scandale. C’est comme si Alain Juppé ignorait l’histoire qui lie la France au Sénégal. Berlusconi se plaint du taux d’immigrés en Italie. Mais moi je me plains du taux de réfugies victimes de cette sale guerre imposée à la Libye. Dites-moi, de toi à moi, qu’est ce qu’on reproche au Guide Libyen Mouamar Khadafi, le pétrole de Bréga ou son projet d’Etat d’Afrique unis?

Tiken Jah Fakoly a dit « quand nous serons unis ça fera très faire mal ». Et cela leur faire très mal. Il a construit des Universités en Afrique. Ils ont compris que cet homme, les gens commencent à l’écouter donc il faut l’éliminer. L’ECOMOG regarde. Quand la Côte d’Ivoire brûle, le Burkina regarde. On dit « ho! ça chauffe là bas hein ». Quand la Guinée brûle, le Mali regarde. On dit « hiiiiiii, tchié, tu as vu les images ?! » Quand la Tunisie, brûle Égypte regarde. Rien ne peut se construire sans unité. Si on n’est pas uni, c’est zéro . Et les Blancs savent qu’on n’est pas uni. Diviser pour régner.

Donc pour vous, c’est ce qui fait que l’Afrique n’intervient pas dans le conflit Libyen ?
Les gens sont complices. Ils pensent qu’il faut être au pouvoir pour servir son pays. Ils ont peur de perdre leur pouvoir. Les occidentaux savent qu’ils peuvent nous acheter. Ils achètent des opposants qu’ils peuvent manipuler. Quand ils voient que celui qui est au pouvoir ne fait pas leur affaire ils peuvent financer un opposant pour enlever celui qui est là…

Depuis des années, vous chantez, il y a eu Apha Blondy, Tiken Jan Fakoly etc. Mais rien n’a changé. Comment la musique peut-il contribuer au changement de mentalité ?
Ceux qui tu cites, c’est au bout des doigts. Quand tu prends l’Afrique dans son ensemble, c’est seulement un groupuscule qui arrive à se faire entendre. Nous on vient de les rejoindre. On est combien ? Mais vous voyez maintenant, pour un « oui » ou pour un « non », les populations sont dans les rues. Il y a 20 ans les pays africains étaient stables. Les guerres étaient surtout ethniques. Maintenant les populations se lèvent et disent au gars, dégage ! C’est que les gens commencent à comprendre que si eux-mêmes ils ne se lèvent pas pour dire leur dire de quitter là, ils ne vont pas quitter. La culture participe y compris la musique. Bob Marley fait parti des gens qui ont prédit des changements depuis longtemps. Aujourd’hui, il est considéré comme des prophètes. Voilà aujourd’hui, des gens comme Awadi, Smockey, Billy Billy sont nés. Au fur et à Mesure, c’est comme ça que le changement va venir. La révolution industrielle ne s’est pas faite en un an. Le changement ne fera pas avec une seule personne et en un jour.

Le hip hop Ivoirien est en déclin comment allez vous contribuez pour permettre à certains jeunes de percer comme vous ?
Il y a beaucoup de rappeurs en Côte d’Ivoire. Les gens avaient mal compris le concept. C’était les bling bling, le champagne etc., alors que certains dormaient au salon. En Côte d’ Ivoire, ce n’est pas le rap qui marche, c’est Billy Billy qui marche. Je ne fais pas ce qui marche mais je fais marcher ce que je fais en étant proche des Ivoiriens dans mon langage, dans les réalités que je décris. Je me sens proche des Africains, parce que je peux chanter Wassakara et en venant à Ouagadougou, on va me dire qu’il y a un quartier non loti vers Tampouy.

Comment êtes vous accueilli aujourd’hui à Wassakara avec le succès que vous connaissez?
Pour quelqu’un qui est intelligent, normalement, je dois être exemple pour lui parce qu’il m’a vu gérer une cabine téléphonique dans le quartier. Je ne dis pas que j’ai réussi parce que le succès n’est pas la réussite. Il ne faut pas confondre.

Êtes-vous prêts à vivre toujours avec ceux de Wassakara ?
Je suis toujours proche des gens de Wassakara. On peut enlever un enfant du ghetto, mais on ne peu pas enlever le ghetto dans la tête d’un enfant. Je peux aujourd’hui habiter sur les Champs-Élysée mais avoir un raisonnement de ghetto parce que c’est de là bas que je viens. Tout se passe dans la tête. Dans mes messages, je sais qu’il y a un gonhi (Ndlr un groupe) qui est derrière moi. Je connais leur problème parce que j’ai vécu là bas pendant longtemps. Quand je chante la pauvreté, ce n’est pas parce que je me plais dedans. Qui a envie de dormir dans un salon à l’âge de 30 ans ? Si je vis au Burkina, j’aimerais être le voisin du Président Compaoré. Comme cela, on se lève le matin et on se salue « Allô, bonjour frère on dit quoi ? » Ce n’est pas une injure, c’est la vérité. Tout le monde aspire au bien-être. Tout le monde veut être dans les grands quartiers à Ouaga 2000 aussi. Si tu as les moyens d’habiter aux Champs-Élysée, tu y habites et lorsque que Sarkozy passe, tu lui claques les doigts.

Hormis l’album en préparation quels sont les projets de Billy Billy ?
J’ai croisé des gens avec qui je vais faire une création à Ouagadougou. En Côte d’Ivoire, les gens font le Show biz, mais ici, la culture est développée. Tu as un festival consacré aux « grandes gueules » où les gens viennent dire ce qu’ils veulent ? C’est ici que j’ai vu ça. J’ai envie de faire de grandes choses ici à travers des collaborations pas seulement dans la musique mais avec des conteurs, des hommes du théâtre etc. Le Burkina est un pays de culture. J’ai été marqué par cela. En Côte d’Ivoire, c’est bling bling mais ici, c’est plus sérieux. Les gens vivent la culture. Chaque jour il y a des festivals, des festivals de tout. En Côte d’Ivoire, il y a des potentialités mais c’est mal exploité. Vous allez voir un conteur ou un humoriste qui préfère prester lors des anniversaires. Et c’est bon pour lui. Il ne sait pas qu’il peut créer des spectacles gigantesques pour que des gens quittent des pays pour venir y assister et que des compagnies d’aviations soient même partenaires. Mais en Côte d’Ivoire pour avoir un sponsor pour un spectacle, c’est que tu as déjà tout prouvé. Ici, les gens mettent la main à la poche parce qu’ils croient en la culture. Je compte finalement revenir.

Un sujet qui fâche, vos rapports avec le groupe Garba 50…
(Il coupe)Là on est au Burkina, je n’ai pas envie de faire la publicité de quelqu’un ici. On parle de moi uniquement.

Vous avez chanté les conditions dans lesquelles vivent les étudiants en Côte d’Ivoire. Est-ce que vous avez fait des études au niveau du supérieur ?

Ha oui! Il parait que vous aimez ce titre là ici ! Je n’aime pas rentrer dans les détails, « j’ai tels diplôme ». Je n’aime pas parler de ça. J’aime qu’on me juge pour mon travail. Si je dis que j’ai une licence, celui qui a le doctorat qu’est ce que lui il va dire ? Sinon, j’ai « schooler ». Mais je n’aime pas rentrer dans les détails. Vous savez, il y a des gens qui ont des diplômes mais qui réfléchissent comme s’ils n’ont pas fait un jour d’école comme il y a gens qui n’ont jamais fréquenté mais qui sont sages.

Ecoutez Billy Billy sur Myspace

Entretien réalisé en compagnie de Kpénahi Traoré de Planète Jeunes

 

Partagez

Commentaires