3 novembre 2014

Et l’article 37 balaya Blaise Compaoré

Le 31 octobre 2014, sera une date mémorable pour les Burkinabè. Comme le 3 janvier 1966, ils sont encore sortis nombreux pour dire non à un régime qui ne répondait plus à leurs aspirations. Cette fois, c’est le Président Blaise Compaoré au pouvoir depuis le 15 octobre 1987 à la suite d’un coup d’État sanglant qui est la victime. Le 31 octobre 2014, c’est devant l’État-major général des armées que le peuple burkinabè lui a tout simplement demandé de quitter le pouvoir sans autre forme de procès.

Les Burkinabè demandaient juste le respect de l'article 37 de la constitution burkinabè. A la fin, ils ont exigé et obtenu le départ du Président Blaise Compaoré
Les Burkinabè demandaient juste le respect de l’article 37 de la constitution burkinabè. A la fin, ils ont exigé et obtenu le départ du Président Blaise Compaoré

Dès 8 heures, ils étaient déjà en face du chef d’État-major général des armées après un bref rassemblement à la place de nation (révolution). Les pancartes à la main, ils scandaient « Lougué Président » ou « l’Armée au pouvoir » entremêler d’interprétation de l’hymne nationale, de coups de sifflets sous un soleil de plomb. Le général à la retraite Kouamé Lougué ancien ministre de la défense de Blaise Compaoré, que réclame la foule est entrée par là et mènerait des négociations. Avec qui ? Personne ne sait. Dans la foule, l’on discute. « On ne veut pas Nabéré. Il a trahit le peuple », affirme certains qui lui reproche le fait de n’avoir pas demi le chef de l’État Blaise Compaoré lors d’une déclaration lu la veille. Dans sa déclaration, le chef d’État-major Honoré Nabéré Traoré a dissout l’assemblée nationale et suspendu la constitution. En plus, l’on lui reproche sa proximité avec le Président, car c’est à lui que Blaise Compaoré a fait appel lors de la crise socio-militaire de 2011.

« Lougué ou pouvoir »

« Lougué au pouvoir », « on veut Lougué », « On veut Lougué, Nabéré a trahi le peuple » etc. continuait de clamer la foule. Après 45 minutes, l’impatience se fit sentir. Ils ne comprenaient pas pourquoi le Général Lougué tardait à ressortir. Des menaces fusèrent « si vous ne pouvez pas, donnez-nous les armes. Nous irons libérer Kossyam ». Kossyam est le quartier de Ouagadougou qui arbitre le palais présidentiel. Il a fallu l’intervention de membres du groupe le « Balai Citoyen » (l’un des artisans de la chute de la révolution de 2014) pour calmer la foule. A leur tour, ils entrent pour s’informer et informer les manifestants. Mais à leur tour, ils prennent du temps. Les manifestants s’énervent de plus en plus et menacent les militaires postés en face d’envahir le bâtiment. Ces derniers tentent de contenir la foule qui veut forcer le passage, sans succès.

A 11h05, Smockey (Serge Bambara) et Sam’S K le Jah (Karim Sama) et maitre Guy Hervé Kam sortent accompagnés de deux militaires. Ils donnent rendez-vous aux manifestants à la place de nation, située à environ 300 mètres de là.

Près de trois milles manifestants envahissent encre cette place, devenue désormais le traditionnel lieu des différentes manifestations de l’opposition mais aussi de la société civile. Dix minutes après, des membres de l’opposition parmi lesquels le chef de fil Zéphirin Diabré, Roch Marc Christian Kaboré, Sara Séré Sérémé, Norbert Tiendrébéogo font leur apparition. Ils se frayent une place jusqu’à l’estrade. Mais apparemment, ils n’ont aucune nouvelle  livrer aux manifestants qui attendent une parole de délivrance. Eux mêmes, semble ne pas savoir ce qui se passent. Dans la foule, une nouvelle fois, l’on fait preuve d’impatience. Des voix s’élèvent pour demander une déclaration. Mais, aucune sonorisation n’est installée. Smockey tente de dire quelque chose mais personne ne l’entend.

Les manifestants qui ont appelé l'armée à prendre le pouvoir ont par la suite récusé le lieutenant colonel Yacouba Isaac Zida nouveau Président et membre du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP)
Les manifestants qui ont appelé l’armée à prendre le pouvoir ont par la suite récusé le lieutenant colonel Yacouba Isaac Zida nouveau Président et membre du Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP)

Lorsque ces derniers tentent de quitter la place de la révolution, les manifestants les en empêchent. Finalement ils accompagnent les opposants à la ligne de départ : le quartier général du chef d’État-major général des armées. Les opposants, des membres du Balai Citoyen et quelques militaires pénètrent dans le quartier général. L’incompréhension et l’impatience demeure. Les manifestants réclament toujours Kouamé Lougué. Les menaces reprennent mais les militaires postés résistent bien par des intimidations et aussi de la diplomatie.

Blaise a démissionné!

Après plusieurs minutes d’attentes. La délivrance ! L’ancien maire de Ouagadougou, Simon Compaoré (ancien membre du parti au pouvoir) qui a remplacé Roch Marc Christian Kaboré, suivi de plusieurs autres personnes de l’opposition sortent d’une salle du deuxième étage du Chef d’État-major général des Armées. Souriants, ils font un signe des deux mains comme pour dire : « c’est fini ». Quelques minutes plutôt, une radio locale a annoncé la démission du chef de l’Etat Blaise Compaoré. Confirmation donc. Les manifestants exultent de joie puis clament  en sifflant, klaxonnant, mais aussi en chantant l’hymne nationale du Burkina.

Ce que certains ne savaient pas encore, c’est que pendant fêtaient leur victoire, le général Honoré Nabéré Traoré est confirmé chef de l’État « à l’unanimité de la hiérarchie militaire ». Pendant que certains rentraient chez eux, satisfaits de la démission de Blaise Compaoré que certains auraient aperçu dans certaines villes du Burkina d’autres restèrent pour réclamer encore Kouamé Lougué. La révolution, les Burkinabè voulaient le mener jusqu’au bout.

Deux présidents en un jour

Aux environs de 15 heures 30, le Balai Citoyen accompagné d’un officier de l’armée le lieutenant Yacouba Isaac Zida rassemble la foule à la place de la nation. Ce sera lui le Président. Malgré quelques protestations, Smokcey prend le micro et demande à la foule de lui faire confiance. Il fait comprendre aux manifestants que le Balai Citoyen n’est pas un mouvement corrompu. « Nous n’avons jamais pris de l’argent avec quelqu’un même 1000 francs CFA ». Hymne nationale, chant, coups de sifflets, klaxons de moto, c’est dans cette ambiance que les manifestants rentrent chez eux. Dans la nuit, le Président Zida fait une déclaration à la télévision BF1 qui bizarrement appartient à des bonzes du parti au pouvoir parmi lesquels l’un des principaux actionnaires est François Compaoré le frère cadet de Blaise Compaoré. Aux environs de 2 heures du matin, Zida rejoint le palais présidentiel de Kossyam sans savoir que deux jours plus tard (dimanche 2 novembre 2014), ce même peuple se soulèvera contre lui.

La modification de l’article 37 de la constitution du Burkina qui aurait permis à Blaise Compaoré de faire 15 ans de plus au pouvoir a finalement précipité la fin de son mandat qui devrait prendre fin en novembre 2015… dans un an donc. Blaise Compaoré a payé le prix de son entêtement.

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