Histoire du Burkina : Boukary Koutou ne s’est pas enfui au Ghana

26 janvier 2014

Histoire du Burkina : Boukary Koutou ne s’est pas enfui au Ghana

Lorsque j’étais à l’école primaire, j’ai été l’objet de raillerie pour le prénom que je porte : Boukari. Lors d’un cours d’histoire dispensé en classe, l’enseignant nous a fait comprendre que lors de la conquête coloniale, le Mogho Naba Wobgo dit Boukary Koutou s’est enfui au Ghana à l’arrivée de la colonne de Vouley et Chanoine.

 

Gravue de Boukary Koutou, le Mogho Naba Wogbo (photo prise sur https://www.yennenga.com)
Gravue de Boukary Koutou, le Mogho Naba Wogbo (photo prise sur https://www.yennenga.com)

 

L’occupation du Burkina Faso  par les Français

« Après l’exploration du territoire burkinabè par Montaigne, Krauss, Binger, Baart et Ferguson, la France reviendra avec le capitaine Destenaves en 1895. C’est ainsi que le Liptako devient sous protectorat français durant la même année. En 1895, Au Yatenga, Naba Bogaré a signé un protectorat avec la France et au centre du pays, le Mogho Naba Wobgo dit Boukary Koutou refuse de recevoir les Français et s’enfuit au Ghana ». Mes camarades se moquaient de moi à cause de cette partie de la leçon en gras. Ecrit ainsi, on croirait que le Mogho Naaba Wobgo  par poltronnerie a abandonné son royaume, son peuple qu’il est censé défendre au péril de sa vie aux mains des colonisateurs.

Cette histoire du peuple Mossi a été tronquée. La première correction que je dois d’abord apporter, c’est dire Boukary Koutou n’est pas le surnom du Mogho Naba, mais plutôt son vrai nom. Son nom à l’état civil. Mogho Naba Wogbo (chef Eléphant) est son nom de règne. En principe, aucun de ses sujets n’a le droit de l’appeler par son nom à l’état civil sous peine de payer une forte amende.

La deuxième correction et la plus importante, c’est que Naba Wobgo ne s’est pas enfui au Ghana. Il est plutôt allé chercher du renfort. Les Mossi sont originaires de Gambaaga, un royaume situé dans l’actuel Ghana. C’est donc sur ces terres qu’il est allé demander du soutien pour reprendre en main son royaume.

Les conquérants français ont profité des rivalités qui existaient entre le Roi du Yatenga, Bogaré et celui du Mogho, pour s’installer d’abord au nord du pays avant de se rejoindre le centre. Naba Bogaré était à la recherche d’alliés pour faire face au Mogho Naba Wogbo avec qui il avait quelques problèmes. Vouley et Chanoine confrontés au refus du Mogho de signer le traiter de protectorat ont utilisé la manière forte. L’un d’eux, je ne sais plus lequel était surnommé « colonel Gayenga », le colonel fou, à cause de son atrocité.

Boukary Koutou n’est pas revenu à la reconquête de son royaume parce que ses grands-parents ont refusé de lui donner des armes et des hommes. Ils ont aussi refusé de le laisser partir. Un chef n’abandonne pas son royaume. Au lieu de se rendre, Boukary Koutou a préféré mettre fin à ses jours comme l’a fait Ba Bemba.

La partie de l’histoire qu’on ne raconte pas aux enfants, c’est que la France et l’Allemagne ont tenté à travers plusieurs négociations de mettre le royaume mossi sous leur domination. Ce dernier a refusé. D’ailleurs, on raconte que les Anglais lors de leur passage dans le royaume ont remis leur drapeau à Boukary Koutou. Le chef des Mossi aurait cousu une jupe avec pour sa femme préférée. A l’endroit de Destenaves qui a lui aussi tenté par des négociations de mettre le Mogho sous protectorat français il lui a dit ceci selon Apollinaire Kyèlem :

 « Je sais que les Blancs veulent me faire mourir pour me voler mon pays. Et tu prétends qu’ils vont m’aider à organiser mon pays ! Or, je trouve mon pays très bien, tel qu’il est. Je n’ai nul besoin des Blancs. Je sais ce qu’il me faut et ce que je veux. J’ai des marchands. Estime-toi heureux que je ne te fasse pas couper la tête. Va-t-en donc. Et surtout, ne reviens pas ».

En parlant du général Charles de Gaulle avant son appel du 18 juin 1940, la leçon d’histoire à ce niveau raconte qu’il a fait un repli tactique en Angleterre. La seule différence entre le Mogho Naba et le général Charles de Gaulle, c’est que l’ancien président français a bénéficié du soutien des alliés et notamment des tirailleurs pour revenir. Si l’on apprend aux élèves, que le Mogho Naba a fui au Ghana, alors il faut aussi leur dire que Charles de Gaule a fui en Angleterre.

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Commentaires

basidou
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Je suis tout à fait d'accord avec toi:Si l’on apprend aux élèves, que le Mogho Naba a fui au Ghana, alors il faut aussi leur dire que Charles de Gaule a fui en Angleterre.Il faut adresser une lettre à Koumba Boly afin qu'on change la partie dans les livres d'histoire. Même la Sainte Bible, on la touche quand c'est nécessaire. Ou bien?

Kiswendsida
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Merci beaucoup. Bon travail

Jack makouala
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J'ai aimé la dernière phrase : "Si l’on apprend aux élèves, que le Mogho Naba a fui au Ghana, alors il faut aussi leur dire que Charles de Gaule a fui en Angleterre."
Ah oui! Il arrive, pour des raisons de suprématie fallacieuse, que l'on dénature l'histoire de l'homme noir au profit du blanc.
Pendant qu'il est encore temps, donnons les vraies versions des faits à notre progéniture afin qu' elle se décomplexe de la peau blanche et qu'elle sache s'imposer quand il le faut. Notre histoire africaine regorge des hommes vaillants et des faits encourageants mais que l'on nous à caché fort longtemps. Il est temps de les sortir du tiroir et de les exposer au vu et au su de tous.

Abdoulaye Porgo
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C est un vrai burkinabe, integre et ceux qui sali son noms aurons leurs place en enfer et c est moi je viendrais les bruller.