Boukari Ouédraogo

Le rap agonise au Burkina Faso

A la fin des années 1990 et au début 2000, le mouvement hip hop et le rap en particulier ont envahi le Burkina Faso. Mais depuis l’avènement du coupé-décalé, cette musique est en train de connaître un essoufflement.

Avant la sortie de l’album « Arrêt sur image » de Basic Soul en 1997,  le hip hop de façon générale était assimilé à la délinquance, la drogue, la violence à cause du rythme saccadé des textes, les stéréotypes venus des films américains. Le premier album rap de Basic Soul a permis de comprendre que le rap n’était pas seulement « hardcore », mais qu’il se mariait aussi aisément à la musique traditionnelle. Un featuring sur son titre « Yennenga » avec un chansonnier traditionnel a permis à certaines couches villageoises de s’intéresser à son rap.

Mais il faut compter avec la structure 8e Sens pour voir se produire de jeunes rappeurs, qui animent les plateaux de concours de rap et d’émissions radio. C’est ainsi qu’en 1999 et 2001 les compiles Faso Connexion et Chronik Noir voient le jour et font découvrir une bonne brochette d’artistes. Le rap commence à se faire une place. Des animateurs comme Gérard Koala contribuent à la promotion du rap sur les stations de radio et à travers l’organisation de concours.

L’ascension du hip hop au Burkina

Après cet épisode, Smockey fait découvrir un autre style, plus dansant, en featuring avec Lam sur le titre « Steupi ». Son titre « Yaaba » est un grand succès. Le refrain en mooré de ce titre se laisse chanter facilement par les enfants. « yaaba yélma yaa, tif gousouf menga yaaa, ka y a Wogodg ya, pa nassatenga ya… »*. A partir de là, les regards commencent à changer. Le message en langue mooré est bien saisissable et fait l’unanimité.

C’est encore lui qui permet à nombreux jeunes de l’underground de se faire connaître à travers la compil « La part des ténèbres » en 2002 qui va faire émerger et de nombreux rappeurs. Il y aura deux volumes. Cet album permet de découvrir le rap dans toutes ses dimensions, dans toutes ses facettes : du rap dur au style le plus doux ou tradi-moderne. Les arrangements sont meilleurs. « Diplômé Paumé » de Faso Kombat est l’un des titres qui se distinguent particulièrement, car chanté en mooré et en français. Le texte et le message touchent toutes les sensibilités. La question du chômage abordé est d’actualité. Le titre tourne en boucle sur les stations de télés et de radios.

Bien que Hardcore, le groupe 2KAS, qui sortira son album dans la foulée, est aussi une référence sur la compil grâce notamment au refrain et aux textes chantés en mooré. C’est également dans cette même compil que l’on voit pour la première fois, un titre d’album avec le mot « Assassin » du groupe Ben Cees. Après l’assassinat de Thomas Sankara, très peu d’artistes auraient pu oser. Le blog de Mathcoolj contribue également à sa manière à faire découvrir cette tendance musicale. Le rap est définitivement le genre musical majeur de la jeunesse burkinabè.

L’apogée du rap

Il est donc vrai que le studio Abazon (brûlé pendant le coup d’Etat du 16 septembre 2016) a permis la production d’un nombre important d’albums. Le rap a contribué à l’émergence de la musique burkinabè. En effet, jusque-là, les émissions  musicales étaient dominées par les productions étrangères et ivoiriennes notamment. C’est grâce au groupe La Censure avec son titre « Virée de Lascars » que les Burkinabè comprendront que le rap peut se danser dans les boites de nuit. Le refrain : « tout le monde ka bouger, même si ça te plait pas tout le monde ka danser » est très dansant.

Le groupe Yeleen va définitivement permettre aux Burkinabè d’accepter le mouvement rap. Les qualités des textes, le flow de Smarty, la voie enivrante de Mwandoé font de ce groupe l’un des plus grands du Burkina et de la sous-région. L’album est écouté d’une traite. Le rap devient de plus en plus populaire. Les concours se multiplient. On aura, Hip Hop All Stars, Nescafé Rap Tour,  RAJS Talents de jeunes, Hip Hop All Stars, Craven A flow, etc.

Chaque station de radio a son émission rap. Yeleen, Faso Kombat, Sofaa, Les Black Marabouts, La Censure, Clep To Gang, Pirratack, Wedhyack, etc. Le festival Ouaga hip hop va permettre de réunir le gotha du rap burkinabè et africain chaque année à Ouagadougou. Le mouvement s’est développé à tel point qu’un chroniqueur d’un magazine international faisait de Ouagadougou, la capitale du rap africain. Au Burkina, le rap n’est plus simplement de la musique mais un outil de revendication. Le groupe Sofaa ose même en réalisant un featuring avec le Professeur Laurent Bado.

La décadence du rap

Cependant, depuis quelques années, le rap burkinabè agonise. Les productions d’albums deviennent de moins en moins nombreuses. La jeune garde, avec des groupes comme Duni Yam et Kadjoba; n’arrive plus à proposer du contenu rap. Les artistes rap s’orientent désormais vers de la musique d’ambiance et populaire. OBC, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs groupes de rap burkinabè, n’a plus sorti d’album. Le festival Ouaga Hip Hop a muté pour devenir un festival dédié aux musiques urbaines.

Malgré l’émergence de Joey le Soldat et Art Melody et quelques autres débutants, le rap n’est plus ce mouvement populaire. La plupart des groupes (Black Marabouts, Clep To Gang, La Censure, Faso Kombat, Yeleen, Sofaa, 2KAS, 3e Régiment, Baloukou, Negramers, etc.) se sont disloqués, souvent après seulement leur premier album. Les titres de rap ne dominent plus les différentes émissions de radios et de télévisions. L’émission All Flowz diffusée sur la télévision nationale a disparu.

Les festivals et concours de rap ont presque également presque tous disparus. À la place, ce sont des musiques d’ambiance dont les textes sont moins bien élaborés qui tournent en boucle sur les stations de télé. C’est peut-être ce qui a conduit des jeunes à mettre en place le mouvement « hip hop nékré » pour sonner le réveil du mouvement. Depuis 2005, l’influence du coupé-décalé, arrivé de la Côte d’Ivoire, a fait perdre à ce genre sa popularité. Même les rappeurs ont un à un suivi ce mouvement pour des raisons commerciales.

Pour le moment, Smarty (prix découverte RFI 2013) Smockey et Dudn’J dans une moindre mesure restent les deux véritables fers de lance du rap burkinabè, aux côtés de Art Melody et Joey le Soldat. Mais jusqu’à quand? Pour le moment, c’est le slam qui est en train de se faire une place.

*« Mon grand m’a dit de faire attention parce qu’on est ici à Ouagadougou et non aux pays des Blancs »

Crédit photo: https://neewram.files.wordpress.com

 


Lutte contre le terrorisme au Burkina : on parle beaucoup plus des défaites…

Dans la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso, les médias ont tendance à prioriser dans leur agenda les défaites des forces de défenses et de sécurité (FDS) burkinabè plutôt que leurs victoires. On nous parlera de la règle du train qui arrive en retard… Et pourtant dans ce nouveau contexte, le paradigme doit changer.

Dans la lutte contre le terrorisme, il faut des actions de communications qui motivent nos militaires (crédit photo Ahmed Ouoba)

En réalité, « lorsque les terroristes frappent, ils sont assurés de bénéficier de l’attention des médias, et donc de celle de la population et des gouvernants du pays qu’ils ont pris pour cible », affirme Brigitte Nacos dans son ouvrage intitulé Médias et terrorisme : du rôle central des médias dans le terrorisme et le contre-terrorisme. Pour l’auteur, les médias sont l’oxygène des terroristes. Elle ne croyait pas si bien dire. Depuis que le Burkina Faso est frappé par les attaques terroristes, nous avons l’impression que la hiérarchie militaire reste apathique et passive. Les défaites des Forces de défense et de sécurité (FDS) burkinabè sont abondamment relayés dans la presse locale et sur les réseaux sociaux. Et pourtant, comme le disait Raymond Aron, « le terroriste ne veut pas que beaucoup de gens meurent, il veut que beaucoup de gens le sachent. »

Le professeur Taham Najem fait constater que les terroristes « calculent avec précision la portée et le but, le lieu et le timing des attaques afin de susciter l’intérêt des médias, ou en d’autres termes, pour diffuser leurs messages à l’échelle mondiale. Et plus la couverture médiatique du terrorisme est importante et se prolonge, plus les sentiments de réussite, de puissance et d’influence des terroristes deviennent grands ». Tout cela, à cause du traitement sensationnel et dramatique.

Les sacrifices des FDS ignorés
Une bonne communication pourrait booster le moral des troupes (crédit photo Ahmed Ouoba)

En effet, les FDS burkinabè font d’incroyables sacrifices sur le front chaque jour que le soleil se lève pour traquer les terroristes jusque dans leurs derniers retranchements. Après les trois attentats qui ont frappé Ouagadougou et ceux dans le Sahel, la contre-attaque burkinabè porte ses fruits, comme en témoigne l’attentat déjoué à Rayongo, un quartier de Ouagadougou, mais aussi de nombreuses arrestations et découvertes d’armes à Ouagadougou. Les cellules de contre-terrorisme déjouent des attentats. Cependant, ces actions n’ont pas fait l’objet de communication.

Dans le cas des attaques à répétition à l’Est, ce que les autorités burkinabè oublient de dire, c’est qu’ils ont été les premiers à mener des offensives dans cette région grâce à plusieurs ratissages qui ont permis d’arrêter près d’une quarantaine de présumés terroristes. L’attaque ces derniers temps dans la région de l’Est est une riposte à toutes ces arrestations. En attaquant la gendarmerie de Pama (plus de 320 km de Ouagadougou) à la fin du mois d’août 2018, ces terroristes pensaient avoir récupérer certains des leurs. Mais l’anticipation des FDS a permis de les transférer dans une autre zone mieux sécurisée. Des armes ont été découvertes dans des greniers de personnes âgées. Tout cela, on ne le dit pas. Des

Les objectifs des terroristes, c’est de briser notre cohésion sociale, l’unité de la nation. Ils y arrivent au vu de la polémique grandissante sur la gestion de cette crise par les autorités burkinabè.

Briser le silence

A mon avis donc, les journalistes doivent forcément prendre parti contre la terreur, sans pour autant fouler au pied les règles fondamentales du métier. En relayant à chaque fois ces actes de terreur, nous contribution indirectement à faire la publicité des terroristes. Le traitement sensationnel de ces événements, leur dramatisation tend à contribuer à l’apologie du terrorisme. Il faudrait une véritable sélection dans la mise sous agenda du traitement de « l’actualité terroriste ». Dans cette position, les médias doivent tout même éviter de faire le jeu des politiques (oppositions et majorité confondues) qui cherchent à chaque fois à faire de la récupération.

Il est également temps pour les autorités burkinabè de combattre les terroristes sur le terrain de la communication, car chaque attaque est une action de communication. Cela peut se faire sans pour autant fouler les droits fondamentaux de l’Homme. Les FDS, pour se donner le moral, ont aujourd’hui besoin que le sacrifice fait sur l’autel de la lutte contre le terrorisme soit valorisé. Il ne faut plus que nous ayons l’impression que les FDS qui succombent dans cette guerre sont morts pour rien. Cette communication doit se faire à travers un plan cohérent d’exaltation des efforts des FDS, de diffusion (ou non) de l’information. Dévoiler certaines informations sur les arrestations de terroristes va contribuer à rassurer la population, inquiète sur la capacité de son gouvernement à le protéger.

N’oublions pas ce que disent Audrey Ilpidi et Perle Reynaud-Fourton : « Le message terroriste est avant tout adressé à l’opinion publique. C’est un message écrit avec le sang des victimes. Le terrorisme cherche à frapper les esprits dans le dessein de les manipuler. » Mais aujourd’hui, avec l’ampleur des réseaux sociaux, il est devenu difficile de filtrer l’information. C’est pourquoi il est désormais important de miser sur l’éducation aux médias et réseaux sociaux.

Photos avec l’aimable autorisation de Ahmed Ouoba


En Afrique, on ne donne pas le Franc CFA avec la main gauche

L’activiste franco-béninois Kemi Séba a été expulsé du Sénégal après avoir été emprisonné pour avoir brûlé un billet de 5000 francs CFA ((7,60 euros) le 19 août 2017 sur la place de l’Obélisque à Dakar (Sénégal). Son geste, on le sait, avait pour but de lutter contre le franc CFA jugé comme une monnaie impérialiste. Toutefois, son geste à créer une polémique, qui à sa place, à cause de la conception africaine de la monnaie.

Des billets de dix mille francs CFA de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest

En effet, pour Kémi Sema, l’Afrique doit avoir sa propre monnaie arrimée à aucune autre monnaie étrangère notamment occidentale. Il n’est pas le seul à lutter contre le franc CFA car déjà, les multiples pressions d’analystes, d’organisations de la société civile ont conduit les Etats ayant le franc CFA en partage à poser le débat. Au niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les discussions semblaient être en bonne voie même si depuis 2009, l’idée de la création de cette monnaie est chaque fois reportée.

Toutefois, en brûlant un billet de Cinq mille francs CFA Kemi Séba se mettait à dos une grande masse de la population africaine. Ils ne pouvaient pas être compris par ces hommes et femmes qui croupissent à longueur de journée sous le chaud soleil, la pluie, bravant le vent, les marécages infestés de punaises, cultivant le solde aride etc. et qui ne rêvent que d’avoir un petit billet de mille francs CFA.

Un débat qui a raison d’être

En fait, il s’adressait à une certaine élite qui sait déjà que le Franc CFA est forcément un instrument de domination française, que le franc CFA pénalise l’Afrique dans les exportations de leurs produits, que cette monnaie est inféodée au ministère d’un pays qui n’est pas africain qu’il asphyxie l’économie africaine.

Cependant, si la lutte de Kémi Séba se comprend, elle est difficile de passer dans la mentalité de bon nombre d’africains qui ne savent rien de l’arrimage du franc CFA à l’euro, qui ne connaissent rien des institutions de Breton Woods, qui ne comprennent pas grand-chose de cette monnaie sous tutelle. Ils ne comprendront pas en quoi le fait que des administrateurs français siègent aux conseils d’administration des banques centrales concernées et ont le droit de véto, c’est-à-dire un droit de regard pour ne pas menacer les intérêts occidentaux et français en particulier.

De la sacralité de l’argent en Afrique

En Afrique, l’argent est sacré qu’il soit le franc CFA, le cédi, ou le franc guinéen. Dans un tel contexte, brûler un billet de cinq mille francs CFA n’est pas forcément perçu comme une stratégie de lutte mais plutôt un sacrilège qui peut vous attirer toutes les malédictions possibles. Kémi Séba, le panafricaniste a-t-il tenu compte de cet aspect ? Pas sûr tant l’incompréhension et l’acceptation est grande. Si beaucoup comprennent et supportent même la lutte de Kémi Séba, ils ont eu du mal à accepter qu’il brûle un billet de banque : « ça ne se fait pas » ! C’est un totem ! Kémi Séba a presque manger son totem en faisant cela.

Bien sûr, il s’agit d’un héritage culturel à commencer par les cauris utilisés auparavant comme pièce de monnaie.  Ils sont aujourd’hui encore utilisés pour des pratiques mystiques. Certains intellectuels africains sortis de cette moule comprennent donc difficilement ce geste de l’activiste franco-béninois. Au-delà de cela, brûler un billet de banque alors que certains vivent avec moins de 650 francs CFA (moins d’un euro) par jour passe mal dans l’entendement des africains. Sinon, sur la stratégie de Kémi Séba avait été accepté, il y aurait eu une grande vague de soutien et beaucoup auraient imité Kémi Séba.

Lutte contre la corruption et la gabegie

Voilà donc une autre lutte que doivent mener les élites africaines anti-francs CFA. De toutes les luttes qui ont porté fruit en Afrique, la grande masse a toujours été impliquée. Il est donc temps, en plus des débats élitistes, d’impliquer ces paysans qui en réalité font la force de cette monnaie. Sinon, le combat mené, quel que soit les stratégies (choquantes, négociées), restera vain. Très souvent, il faut sortir de ces carcans de lutte élitiste, des conférences et panels réservés à un groupe et se rapprocher du peuple à la base pour faire comprendre le sens de la lutte. Sinon Kémi Séba restera incompris (et même méprisé) comme l’ont été beaucoup, aussi noble que soit (sera) son combat.

Cependant, voyons le sujet sur un autre angle. A quoi servirait une monnaie africaine si les dirigeants restent incapables à proposer de plans sérieux de développement à leur population, continuent dans la corruption et la gabegie et n’arrivent pas à s’émanciper mentalement et politiquement des puissances occidentales ? A rien bien sûr.


Kounkoufouanou, ce village burkinabè où les habitants sont des sdf

Installée depuis 1983, la population du village de Kounkoufouanou (situé à 70 km de Fada N’Gourma chef-lieu de la province du Gourma dans l’Est du Burkina)est désormais des sans domiciles fixes (SDF). Le village est situé sur l’axe Fada-Frontière du Bénin. Les habitants ont été déguerpis un beau matin de juin 2015. Ils ont fui leur localité laissant tout derrière eux. Aujourd’hui, ils demandent au gouvernement burkinabè de respecter leurs droits les plus élémentaires.

Cet habitant déguerpie de Kounkoufouanou habite dans une hutte précaire

« Officiellement, on nous accusait d’occuper illégalement la zone pastorale de Kabongo. Et pourtant, on avait respecté la distance qui nous était imposée  d’au moins 500 m pour les habitations et 1 km pour les champs.  Ce jour là, les forces  de l’ordre  armées jusqu’aux dents ont  mis à feu et à sac nos habitations.  Beaucoup d’entre nous ont été tabassés dont des femmes et des enfants, arrêtés et conduits derrière les barreaux.  Nos maisons  ont été brûlées avec tout ce qui s’y trouvait », nous apprend Bernadette Koborini/Hanro mère éducatrice de l’école de Kounkoufouanou.

« Nous vivons dans la faim »

Elle poursuit son histoire : « Nos réserves alimentaires sont parties en fumée. L’unique école où nos enfants pouvaient recevoir l’éducation a été défenestrée et fermée laissant nos enfants dans la rue. L’accès  de l’unique source d’eau, la fontaine du village, nous a été coupé.  Le choc fut immense et ses répercussions psycho-sociales désastreuses pour toute la communauté. Depuis lors, nos conditions de vie ne cessent de se dégrader. Nous vivons la faim par manque de terre pour produire. Le manque d’eau portable nous expose à des maladies diarrhéiques graves ».

« La situation c’est désormais aggravé pour les ressortissants de cette localité. « Nous  sommes reclus désormais dans des huttes de fortune  et certains ont  même perdu la vie dont une enfant à la suite de morsure de serpent. Quant à nos enfants, ils n’ont eu d’autres choix que d’abandonner l’école, compromettant ainsi leur avenir pour toujours », explique, indignée, Bernadette Koborini/Hanro.

Les habitants déguerpis de Kounkoufouanou veulent être dédommager

Deux ans sont passés. La population de Kounkoufouanou reste dans une situation précaire alors que l’Etat burkinabè n’a aucun droit de regard sur eux. Ils reconnaissent néanmoins avoir reçu des vivres (quelques sacs de mils, de l’huile, des biscuits). Mais tout cela est en deçà  des préoccupations de ces populations à la recherche d’une terre où vivre, nourrir leurs enfants, les envoyés à l’école et les soigner.

C’est pourquoi, ils attendent du gouvernement burkinabè, des mesures urgentes pour leur permettre de subvenir à leurs besoins alimentaires. Ils souhaitent que le dossier de Kounkoufouanou soit rouvert pour résoudre clairement la question de la délimitation de la zone pastorale, de dédommager les membres de la communauté pour les pertes éprouvées lors du déguerpissement. Ils seraient plus de sept mille personnes à la recherche d’une terre où vivre.


Liberté de la presse : le Burkina mieux classé que les Etats-Unis

La presse au Burkina Faso est libre si l’on croit le dernier classement de Reporter Sans frontière (RSF). Le Burkina Faso occupe la 4e place devant les États-Unis selon le dernier classement sur la liberté de la presse dans le monde. Un classement qui peut paraître surprenant quand on se trouve au pays des hommes intègres.

Le Burkina Faso, 42e dans le classement de RSF est en effet juste devant les États-Unis qui arrivent 43e en matière de liberté de la presse. En plus de cela, le Burkina Faso n’est pas si loin de la France qui se place à la 39e  position. Les trois pays se trouvent tous dans la même zone jaune, qui désigne les parties du globe à la « situation plutôt bonne » selon la légende du tableau de RSF. La surprise réside dans le fait qu’au Sud du Sahara, les États-Unis et la France sont considérés comme des modèles historiques de démocratie, tandis que le Burkina Faso sort de 27 ans de règne de Blaise Compaoré. Le pays n’avait jamais connu une alternance  démocratique.

Mais en parcourant la documentation du site de Reporter Sans Frontière (RSF), on se rend compte « en l’espace d’un an seulement, le nombre de pays où la situation pour les médias est considérée comme “bonne” ou “plutôt bonne” a diminué de 2,3% ». Et pourtant, RSF constate que c’est dans les pays de traditions démocratiques que l’on constate une dégradation de la liberté de la presse.

Donald Trump coupable ?

Qu’est ce qui peut expliquer une telle situation ? « A force de rogner sur la liberté fondamentale d’informer au prétexte de protéger leurs citoyens, les démocraties risquent d’y perdre leurs âmes », souligne le secrétaire général de RSF Christophe Deloire. Les élections présidentielles aux États-Unis et en France semblent expliquer en partie la baisse de la côte de ces deux pays avec des attaques répétées, des insultes, « dans un climat violent et délétère». De plus en plus, les hommes politiques tendent à s’immiscer dans le travail fait par les journalistes dans ces pays qui avaient pourtant bonne réputation. RSF donne pour exemple le cas de la Finlande où le Premier ministre s’est personnellement « immiscé dans les programmes de la radio publique Yle pour qu’elle ne traite plus d’un possible conflit d’intérêts dans lequel il serait impliqué ».

Sous pression, les médias sont de plus en plus traqués dans ces nations dites de démocratie avec l’adoption parfois de charte élargissant le pouvoir des services secrets sans protection pour les journalistes. C’est le cas précisément au Royaume-Unis, classé juste à deux points de plus que le Burkina Faso. Dans certains pays, les journalistes sont mêmes obligés de livrer leurs sources alors que d’autres sont mis sur écoute comme c’est le cas au Canada.

La précarité du métier menace les journalistes burkinabè

Si le Burkina Faso occupe un bon rang dans ce classement, c’est à la suite du sacrifice du journaliste Norbert Zongo, assassiné en 1998. Le rôle joué par les médias pendant l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2017 a aussi favorisé ce climat. Mais la menace demeure avec les lourdes amendes et les sanctions pouvant conduire à la fermeture des journaux demeure une limite selon RSF.

Toutefois, ce classement ne doit pas cacher les nombreux problèmes que rencontrent les journalistes burkinabè. La précarité (bas salaire, mauvaises conditions de travail, la pression du travail, de l’employeur etc.) empêche souvent les journalistes de faire leur travail de façon indépendant et consciencieuse. Ils sont souvent obligés d’accepter des perdiems de cinq mille, dix mille francs CFA lors des couvertures d’événements pour souvent joindre les deux bouts. L’amélioration des conditions de travail des journalistes burkinabè est le défi à relever.