Le ministre Rémy Dandjinou veut-il contrôler la télévision nationale du Burkina ?

Article : Le ministre Rémy Dandjinou veut-il contrôler la télévision nationale du Burkina ?
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19 juillet 2016

Le ministre Rémy Dandjinou veut-il contrôler la télévision nationale du Burkina ?

Lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, les manifestants ont saccagé le matériel de la télévision nationale du Burkina après avoir brûlé l’Assemblée Nationale. La télévision nationale était considérée comme un média au service du pouvoir de Blaise Compaoré en place et chargé de la propagande gouvernementale. C’est pourquoi, les manifestants opposés pourtant seulement à la modification de l’article 37 se sont attaqués à cet autre symbole.   

La RTB a besoin de beaucoup plus de moyens pour être un véritable média de service public
La RTB a besoin de beaucoup plus de moyens pour être un véritable média de service public

La télévision privée BF1 qui appartiendrait à d’anciens bonzes du régime Compaoré parmi lesquels le frère cadet de l’ancien Président Blaise Compaoré a pourtant été épargnée par les insurgés. Le message était passé. Pour éviter que les médias publics soient des instruments au service du pouvoir en place et pour éveiller à l’accès équitable de toutes les parties (partisan du pouvoir, opposition, syndicats etc) à la chaîne nationale, le gouvernement de la Transition a décidé du recrutement du Directeur générale de la Radiodiffusion télévision nationale du Burkina par concours.  Et c’est Danielle Bougaïré qui a été choisie pour une mission de trois ans. Celle-ci décide de faire confiance aux jeunes et aux compétences à la tête de la télévision et aussi de la radio.

A la radio nationale, Évariste Kombary, journaliste qui a fait ses preuves à la télévision nationale, opère avec perspicacité en consolidant les acquis de l’ancien directeur général Ouezzin Louis Oulon qui avaient multiplié le nombre journaux et de flashs d’information sur les antennes de la radio nationale. En plus de cela, Évariste Kombary a apporté une touche avec des émissions d’expressions directes comme « Commentons l’actualité ». Le magazine « Omnisports » est devenu une émission de débat où des analystes, des journalistes et chroniqueurs sportifs sont désormais entendus. Avec lui, la radio nationale instaure une matinale avec un journal bien fourni, des émissions grand public sont au programme. Un journal (à ne pas confondre avec ceux de la radio rurale) en langue mooré est initié.

Des reformes positives à la radio et à la télévision

Certaines télés régionales mises en place et qui n’avaient jusque-là fait rien de probant sont fermées. Canal Arc-en-Ciel qui avait disparu pour faire place à la Radio RTB2 revoit le jour au grand bonheur des Ouagalais et la radio rurale devrait en principe bénéficier d’une antenne autonome pour la promotion des émissions en langues nationales.

Des agents de la RTB manifestants devant le siège de la télévision nationale du Burkina
Des agents de la RTB manifestants devant le siège de la télévision nationale du Burkina

A la télévision nationale, Ouezzin Louis Oulon transforme le visage du journal télévisé avec des reportages de proximité qui sont de plus en plus initiés, la revue de presse est instaurée. La nouvelle direction décide de la création d’un journal des régions pour mieux recadrer le journal de 20 heures qui pouvait durer souvent une heure ou plus ! Les activités des syndicats et partis d’opposition sont désormais couvertes au même titre que ceux du parti au pouvoir et ses alliés. On se rappelle ce rappelle à l’ordre du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), ancien parti au pouvoir qui s’estimait lésé dans la couverture des activités. Les preuves fournis par la RTB ont prouvé le contraire.

Le conducteur du journal dans sa hiérarchisation prend en compte, d’abord les faits touchant directement la population au lieu des reportages institutionnelles habituellement servis. La Télévision tente, tant bien que mal, d’être au cœur des grands évènements. Des émissions de débat sur l’actualité au Burkina, « Débats de presse » et aussi sportive« Sport Box » sont créées. Au temps du système Compaoré, de telles émissions ont été supprimées. Les sites internet de la télévision nationale, les comptes twitter et Facebook deviennent dynamiques. La RTB télé tente donc de s’adapter à l’évolution malgré quelques difficultés.

A petit pas, la télé gagnait le cœur des Burkinabè

Beaucoup de Burkinabè retrouvent par-là du goût à suivre les émissions de la télévision nationale et aussi de la Radio Nationale même si le gouvernement en place semble avoir choisi certains médias privées pour lancer ses scoops, donner sa voix officielle.

Depuis un certain temps, le gouvernement a entrepris un vaste remaniement au niveau des postes stratégiques de l’office de la RTB. Les directeurs, les rédacteurs en chef, les chargés de marketing nommés par Danielle Bougaïré sont remplacés. Danielle Bougaïré arrivé par un test de recrutement serait en sursis car son contrat ne devrait pas être renouvelé. Le gouvernement devrait nommer lui-même son directeur général. Pourquoi ? Le Gouvernement voudrait reprendre la télévision nationale en main car elle n’apprécie pas la nouvelle dynamique enclenchée.

Le ministre en charge de la communication Remis Dandjinou, très critique dans le passé contre la RTB et ancien directeur de la télévision privée Burkina Info, aurait même lâché devant les journalistes que ceux qui ne voudraient pas accepter que la télévision soit au service du gouvernement, pouvaient la quitter. Les autorités interviendraient même pour dénoncer tel ou tel reportage passé sur les antennes de la télévision nationale. En exemple, lorsque le gouvernement a instauré la gratuité des soins pour les enfants dans les centres de santé au Burkina, une équipe de reportage est allée constater l’effectivité de la mesure sur le terrain. La réaction au niveau du gouvernement aurait été amère car l’élément soulignait des insuffisances de la mesure. Et pourtant, c’est un devoir de service public que les agents de la télévision nationale du Burkina ont effectué dans ce cas précis.

Les acquis remis en cause

L’émission « Débats de presse » pendant un moment est suspendue car les invités sont souvent très critiques envers le gouvernement. « Ce que nous vivons avec Dandjinou, c’est plus que de l’ingérence », vous disent certains journalistes de la maison.

Tous ces changements semblent être en train d’être remise en cause. On l’a déjà constaté avec le changement du conducteur de la télé nationale qui commence systématiquement par les activités du gouvernement et de l’Assemblée Nationale. C’est vrai que les attentes au niveau de la télévision nationale sont énormes. Mais il se trouve que le gouvernement semble croire que la télévision nationale devrait être au service de sa communication. Et pourtant, il y a un service d’information du gouvernement créé pour assurer ce rôle. Si la RTB est vraiment un média de service public, Remis Fulgance Dandjinou et le gouvernement burkinabè devraient plutôt laisser les journalistes de cette maison faire parler leur professionnalisme et leur talent afin d’assurer leur mission de service public. Le Conseil supérieur de la communication (CSC) est là pour la régulation.

C’est vrai, la RTB est un organe d’Etat. Mais qui est l’Etat ? L’Etat, c’est tous les Burkinabè. Tous ceux qui payent leur facture d’électricité payent aussi des taxes télés obligatoires. Ce qui signifie donc que ce sont leurs intérêts qui doivent être pris en compte d’abord. C’est l’État qui finance les médias publics. Mais cela ne signifie pas que ce sont les membres du gouvernement qui de leurs poches financent le fonctionnement de la RTB. Si le gouvernement veut avoir son média, il n’a qu’à suivre l’exemple de l’Assemblée Nationale qui s’est dotée d’une radio et qui a déjà un programme télé qui passe pour le moment sur les antennes de la RTB. Si le gouvernement répète les mêmes erreurs qu’au temps du régime Compaoré a tentant de contrôler ce qui se passe sur les ondes de ces stations nationales, elles connaîtront pire que ce qui s’est passé le 30 octobre 2014 !

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Commentaires

Nourou
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Dans tout ça c'est la réaction des journalistes qui l'écoeure. Personne ne peut l'obliger à changer mon conducteur. S'ils savaient analyser, ils verraient que le rapport de force est largement en leur faveur. Ce gouvernement à l'autorité d'un châpon face à des poules pondeuses oserait-il s'attirer les foudres du public en s'attaquant à la RTB new look ? Je pense que la liberté de presse se conquiert ce n'est pas un cadeau ! M