10 novembre 2014

Isaac Yacouba Zida, Président par accident

Le 31 octobre 2014, à la place de la nation, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida a été « intronisé » chef de l’Etat en remplacement du général Honoré Nabéré Traoré. Si celui que personne ne voyait venir s’est proclamé chef de l’État, c’est à cause des tergiversations des acteurs de la révolution du 30 et 31 octobre 2014.

Yacouba Isaac Zida est le Chef de l'Etat depuis le 31 octobre 2014
Yacouba Isaac Zida le chef d’État burkinabè (au milieu) AFP PHOTO / ISSOUF SANOGO

Personne, pas même lui ne s’attendait à ce qu’il soit un jour chef de l’État encore moins, chef de transition au lendemain le jour du soulèvement populaire du 30 octobre 2014. Après avoir fait le plus dur, faire partir Blaise Compaoré, les révolutionnaires ont eu (et ont) du mal à lui trouver un successeur. C’est finalement, contre toute attente, le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida qui a pris ses responsabilités avec la bénédiction de certains acteurs de la société civile dont l’influent « Balai Citoyen ».

Le refus de Kouamé Lougué

Si Yacouba Isaac Zida a été porté à la tête de l’Etat burkinabè, c’est d’abord parce que celui que tout le monde a plébiscité, celui que Boukary Kaboré dit le Lion, ancien compagnon de Thomas Sankara, est allé faire sortir de la retraite, a refusé de répondre « à l’appel du peuple » qui scandait pourtant son nom à tue-tête devant l’Etat-Major général des armées le 31 octobre 2014. Kouamé Lougué, qu’on disait populaire dans l’armée et adulé, craint par Blaise Compaoré, a jeté l’éponge sous prétexte qu’il aurait été assassiné. Si ce qu’il dit est vrai, alors l’homme n’était pas si populaire qu’on nous l’a fait croire. A moins qu’il ait voulu épargner le pays d’un bain de sang. Mais pourquoi se raviser et repartir quelques jours plus tard (le dimanche 2 novembre) faire une déclaration à la télévision nationale du Burkina pour soi-disant répondre à l’appel du peuple ?

Une situation inattendue

Si le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida est arrivé à la tête de l’Etat burkinabè, c’est aussi parce que personne, à la date du 29 octobre, la veille de la révolution et deux jours avant la démission du Président du Faso Blaise Compaoré, ne savait qu’il quitterait le pouvoir. Tout ce que les manifestants demandaient jusque-là, c’est le respect de l’article 37 de la constitution (qui stipule que le Président du Faso est éligible pour cinq ans renouvelable une fois). Un point un trait. Lors des différents meetings et marches, certains jeunes ont toujours souhaité marché sur le Palais de Kossyam. Mais leur appel n’a pas été entendu. Le 30 octobre, c’est à l’instinct qu’ils ont agi, saccageant l’Assemblée Nationale, l’hôtel Azalai où logeaient des députés du Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) favorables au referendum et les domiciles de certains bonzes du pouvoir. Sous le contrôle des acteurs de la société civile et de la classe politique, tout cela ne serait pas arrivé. L’opposition avait perdu le contrôle de la situation.

Tergiversation de l’opposition

Les opposants et la société civile n’ont pas su prendre leurs responsabilités à temps. Aucun civile, disent-ils, ne peut gérer le pouvoir. N’était-ce pas par peur du « qu’en dira-ton ? » N’est-ce pas parce que personne dans l’opposition ne fait confiance à l’autre malgré l’apparente union? N’est-ce pas parce que l’opposition ne s’est jamais préparée à un coup pareil ? Difficile de préparer pareil situation. Les révolutionnaires, ces jeunes, surtout, qui demandaient à marcher sur le palais de Kossyam, ont souhaité que le général Kouamé Lougué prenne les rennes de l’Etat mais comme dit plus haut, ce dernier refusa. Alors, ils ont choisi la personne qu’ils estimaient être la mieux placée pendant les tergiversations de l’opposition, embourbée dans des négociations dont les manifestants n’avaient aucun écho.

Zida ou quand l’armée prend la main

Si Yacouba Isaac Zida a pris les commandes de l’Etat, c’est bien parce que tous les plans avaient échoué. « Yacouba Isaac Zida, c’est du Compaoré sans Compaoré », aiment à dire les Burkinabè. Pourquoi ? Hervé Ouattara dans un entretien confié au journal L’Observateur Paalga explique qu’il a connu Zida le 30 octobre 2014, lors de la marche sur Kossyam, où il a été reçu par Blaise Compaoré.

       L’Observateur Paalga : Comment avez-vous connu le président Zida ?

Hervé Ouattara : C’est à Kossyam que j’ai fait sa connaissance, lorsque nous y sommes allés avec le général Diendiéré rencontrer le président.

C’est après avoir échoué à convaincre Gilbert Diendéré de perpétrer un coup d’Etat contre Blaise Compaoré, l’opposition à Honoré Nabéré Traoré, que finalement Yacouba Isaac Zida a été proposé par les militaires. Personne ne voulait de Honoré Nabéré Traoré qui a raté l’occasion en ne destituant par Blaise Compaoré le 30 octobre lorsqu’il a dissout le gouvernement et suspendu la constitution. Qui pouvait tenir tête à la toute puissante Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) qui a une mauvaise réputation dans ce pays ? Pas Lougué ! Pas Nabéré Traoré qui finalement a fait allégeance en signant un communiqué du chef d’État-major général adjoint Pingrenoma Zagré

Le « Balai Citoyen », et certains mouvements anti-referendum n’ont pas compris à temps que Zida est membre du RSP. Une seule personne a été assez lucide pour refuser le choix des militaires : Luc Marius Ibriga. Si Smockey, Augustin Loada, Sam’S K le Jah l’avait écouté, ils n’auraient pas commis cette erreur qu’ils reconnaissent en secret. C’est sûr que si ces derniers savaient que Zida était le numéro 2 du RSP, adjoint donc du chef de corps Boureima Kéré, ils auraient refusé. Mais le mal était déjà fait. Il fallait l’assumer. Ce qu’ils ont fait. Avec courage ! C’est donc sans cet imbroglio que cet homme que personne n’a vu venir s’est imposé comme l’homme du fort du Burkina Faso depuis le 31 octobre 2014.

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