Le « symbole », ce moyen de pression pour parler le français au primaire

13 mars 2014

Le « symbole », ce moyen de pression pour parler le français au primaire

Dans un pays comme le Burkina Faso où le taux d’analphabétisme est élevé, les enfants partent à l’école sans savoir parler le français au préalable. Pourtant, c’est dans cette langue qu’ils sont formés. Au Burkina, l’enseignant n’apprend pas seulement à lire et à écrire en français à l’enfant, mais il lui apprendre aussi à parler la langue. Pour cela, les méthodes ne sont pas toujours catholiques.

(ph. https://www.catherine-ousselin.org/francais.html)
(ph. https://www.catherine-ousselin.org/francais.html)

Dans mon école (primaire), à moins d’une centaine de kilomètres de Ouagadougou, les enseignants avaient le souci de faire parler le français aux élèves que ce soit en classe ou dans la cour de récréation. A la place de la chicotte, ils avaient trouvé comme moyen de pression le port du « symbole » à tout élève qui parlerait une langue locale en étant à l’école. Cette idée daterait même de l’époque coloniale. Ainsi, lorsqu’un élève parle une langue locale à l’école, il était puni.

Ce qu’on appelle symbole peut être le crâne d’un mouton, des pattes d’animaux, des os… un truc sale et dégoûtant en général.  Ce symbole qu’il portait lui permettait d’être reconnaissable par tout le monde. Le porteur l’avait sur lui et rentrait avec pour le ramener le lendemain à l’école. Il le gardait tant qu’il ne trouvait personne d’autre à qui le passer.

Pour trouver une autre victime, il fallait donc jouer aux espions. Les porteurs du symbole épiaient donc les conversations de leurs amis et souvent des élèves des classes inférieures pour leur faire porter le symbole.

Si l’objectif est d’amener tous les enfants à parler couramment le français, il était plutôt un symbole d’humiliation pour eux. Certains élèves , choqués par les moqueries, ont préféré quitter l’école.

Cela se comprenait aisément puisque les élèves qui portaient le symbole étaient mis de côté. Ils ne pouvaient causer avec personne. Car chacun avait peur de faire parler une langue locale en présence de lui. Le symbole sentait mauvais et les porteurs aussi avec. Car les cranes de l’animal qu’il portait était en putréfaction.

Il paraît que le port du symbole continue encore. J’espère qu’il n’a pas toujours ce même côté pervers. 

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Commentaires

Edem
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je n'en avais jamais entendu parler jusqu'à aujourd'hui.intéressant

Boukari Ouédraogo
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C'est très fréquent au Burkina pourtant. Il y a aussi l'autre fait: on menaçait ceux qui venaient sales à l'école de les faire laver par les filles pour les garçons. Et les garçons pour les filles sales. LOL

KINDA
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Rien d'inventé. C'était vraiment dégueulasse ce machin de symbole. Ceux qui n'ont pas pratiqué ça peuvent ne savent certainement pas ce que cela représentait comme malaise pour les élèves. Surtout les enfants musulmans. Imaginer un instant leur mal être de porter un crâne de chien, d'âne alors que ce sont des animaux qu'ils ne touchent pas. C'est sûr que beaucoup de ceux qui ont déserté les classes sont ces enfants. Après tout, c'était un outil pédagogique non!?

Boukari Ouédraogo
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Oui, effectivement, c'était un outil pédagogique sauf que son caractère humiliant. Il y a aussi certains enfants rebelles, donc pas seulement musulman, qui refusaient de le porter et d'éviter les moqueries.

jeogo
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Ahaahah! Magnifique! Ton texte m'a renvoyé dans le passé.À Lomé nous l'appelions ( ton Symbole) SIGNAL.
Kèdèèè!!!

Boukari Ouédraogo
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Ha bon? Autres lieux, mêmes pratiques.

Ismaël COMPAORE
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Bel article. Ton texte me renvoie dans mon école primaire publique en plein centre de Ouagadougou. Une langue qui choque au premier contact, au CP surtout, la honte de s'en approprier, la peur d'être ridiculisé!

Boukari Ouédraogo
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Merci, ça montre que beaucoup ont vécu cette situation que ce soit au Burkina ou ailleurs.

Rozenn
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Bonjour, je cherche à vous contacter, Boukari Ouédraogo, à propos du "symbole" car cette "méthode", avant d'être en application en Afrique subsaharienne francophone, a fait beaucoup de dégâts aussi dans les régions de France, dont la Bretagne, d'où je viens. Je travaille de puis quelques années à un doctorat de sociologie sur ce sujet et j'aimerais en savoir un peu plus sur votre expérience en Côte d'Ivoire : les années où ça se passait, dans quelle partie du pays, les modalités de la pratique, les punitions etc. Je vous serais reconnaissante si vous vouliez bien me contacter via mon adresse mail : rozenn.milin@yahoo.com. Merci et à très vite j'espère !