26 février 2013

« Tout le FESPACO ne se tient que dans deux salles ! »

Depuis le samedi 23 février 2013, les cinéphiles et cinéastes venus de quatre coins du monde ont pris d’assaut les salles de projection de Ouagadougou, la capitale du cinéma africain. Cependant, si à chaque édition, le FESPACO connait de l’engouement, les salles elles sont en train de fermer sur le continent.

La place des cinéastes à Ouagadougou
La place des cinéastes à Ouagadougou

Il est 22h50. Je suis au Ciné Burkina, une des salles de projection des films de la 23ème édition du FESPACO. Après une énième projection cette nuit, les cinéphiles s’apprêtent à suivre le dernier de la soirée à savoir « La Pirogue » du Sénégalais Moussa Touré. Mais devant les deux entrées de cette salle, une foule compacte attend impatiemment. Hommes, femmes, vieux et jeunes se bousculent pour accéder à la salle. Ils attendent depuis environs deux heures, surtout que la projection était prévue pour 22h30. Les cinéphiles qui sont coincés dans une chaleur étouffante surtout avec tout un mélange de déodorants de diverses marques. En jetant un regard sur le visage des femmes, on se rend compte assez rapidement que la sueur a fait disparaitre le maquillage. Lorsqu’enfin le portier accepte de nous laissez entrer, je me suis rendu compte que la galanterie s’arrête à la porte du cinéma. Hommes comme femmes se bousculaient pour accéder à la salle. J’essayai de me débattre. Mais ma main tombait soit sur une fesse, soit sur un sein… C’est dans cette bousculade que j’entendis un européen dire ceci : « c’est normal que ce soit comme ça puisque tout le FESPACO ne se tient que dans deux salles ».

Il avait raison. Effectivement, il n’y avait que le Ciné Burkina et le Ciné Nerwaya qui offraient la possibilité de voir les longs métrages en compétition pour l’Etalon d’Or de Yennenga, le trophée récompensant le meilleur film. Les autres salles ne projettent que les cours métrages, les documentaires, les vidéos etc. C’est la que je compris une fois de plus que la question de la fermeture des salles étaient criarde. Car comme symbole, les organisateurs du FESPACO après avoir supprimé la projection de films à l’Université de Ouagadougou en 2007, ont décidé de ne faire de projection dans les salles périphériques. La raison avancée : ces salles non couvertes ne sont pas vraiment adaptées.

Le Ciné Burkina où je suivais « La Pirogue » n’a reçu aucun coup de pinceau. La peinture craquelée du mur affichait un air insultant. Des climatiseurs suintaient, mouillant ainsi des fauteuils et le sol. La salle était pleine au point que certaines personnes s’étaient assisses dans les allés.

J’ai l’impression que les cinéastes africains ne prennent conscience des problèmes qu’ils rencontrent pour la diffusion de leurs films qu’à l’occasion de chaque édition du FESPACO. Ce n’est qu’à cette occasion que l’on se rend compte que les salles sont se ferment pour faire place à des magasins et des lieux de culte. Pour celles qui existent, elles sont exiguës, inadaptées et parfois loin des populations.

Pendant le FESPACO, le public pour qui ces films sont projetés n’a pas la chance d’accéder à ces salles par manque de moyen. Pourtant, ce ne sont pas les productions qui manquent. Si le FESPACO a reçu plus de 700 films, cela signifie qu’il y a de la matière contrairement à ce qu’on dit. S’il fallait projeter un film chaque jour, on ne pourra pas suivre toutes productions puisqu’il n’y a que 365 jours. De 700 films, sans compter ceux qui n’ont pu être envoyés, peu seront vus (que le public africain ou pas) que lors de festivals. Dommage ! Et contrairement à ce qu’on dit aussi, le public africain s’intéresse fortement à son cinéma. Les conditions ne sont seulement pas mises en place pour faciliter l’accès aux films.

Pourquoi je dis cela ? Dans la vingtaine de projections dans les salles à Ouagadougou, j’ai pu constater que les Burkinabè aimaient bien suivre les films locaux, mais aussi des productions venus du Gabon, du Togo et de la Côte d’Ivoire même s’il s’agissait de films populaires. Les salles étaient parfois combles. Chaque samedi, mes amis me demandent souvent « Il y a quel film africain au programme aujourd’hui? » Le jour de la Saint Sylvestre, beaucoup ont confié qu’ils iraient au cinéma au lieu d’aller faire la fête dans un maquis. Je pense que si les productions africaines circulaient normalement sur le continent, les problèmes d’accessibilité, de diffusion de films, de fermeture des salles, de productions ou de financement ne se poseraient pas. Vu l’étendu du continent, les problèmes de production du cinéma africain par les africains ne seraient pas non plus à cause des entrées que cela généraient. La question restera posée tant qu’il n’y aura pas un véritable marché africain bien organisé parce qu’il existe déjà, tant que les politiques ne comprendront pas qu’il faut une synergie d’action pour booster le cinéma africain.

Il est vrai que l’avènement d’Internet, la piraterie ne rendent pas la tâche facile aux cinéastes. Toutefois, si le secteur était bien organisé, des solutions auraient été trouvées pour faire face à cela. Ou pourquoi pas, notamment avec Internet en faire une opportunité.

//

Partagez

Commentaires

etiennebilly
Répondre

Je crois que nous devons encourager nos cinéastes et nos télévisions nationales à d'abord acheter les films locaux et africains.

KINDA
Répondre

Bel article qui dépeint une triste réalité!

A.B. Ladji Coulibaly
Répondre

Mon cher, tu fais bien de dire que l'oeuf ne danse pas sur la pierre. Tant de pub autour du Fespaco et tres triste la losgistique deployee. On dira que les moyens font defaut. 'Les cinéphiles qui sont coincés dans une chaleur étouffante surtout avec tout un mélange de déodorants de diverses marques. En jetant un regard sur le visage des femmes, on se rend compte assez rapidement que la sueur a fait disparaitre le maquillage'

Boukari Ouédraogo
Répondre

C'est quand même le Fespaco, la Coupe d'Afrique des Nations de cinéma lol. Il faut des moyens pour que tous puissent avoir accès aux films.