Quand un ministre de la justice se rend justice

Article : Quand un ministre de la justice se rend justice
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23 février 2012

Quand un ministre de la justice se rend justice

Les vieux démons refont surface au Burkina Faso. Après l’affaire des cantines plein d’argent retrouvés chez le proche de l’ancien directeur général de la douane, c’est au tour du ministre en charge de la justice de se rendre s’illustrer négativement. L’homme sensé faire régner la justice et assurer les droits humains au Burkina Faso a fait tabasser un jeune mécanicien qu’il a failli cogner dans la circulation.

 

 

 

Un ministre de la justice a fait battre ce mécanicien

 

 

 

 

« Tu fais, on te fais et puis il n’y a rien ». Les Burkinabè pensaient que l’époque on certains dignitaires du régime, disaient cela était révolue. Mais non. La pratique persiste toujours. « Tu fais, on te fait et puis il n’y a rien » signifie « si tu oses dire quoi que ce soit, on te règle ton compte. Et tu vas te plaindre là où tu veux ».

Les Burkinabè sont abasourdis de lire dans le journal l’Observateur Paalga du mardi 21 janvier 2012, l’histoire du mécanicien qu’a fait tabasser le ministre de la justice, de la promotion des droits humains, gardes sceaux. Une histoire qui montre combien l’impunité et l’injustice sont encrés dans l’esprit des dirigeants et sévissent au Burkina Faso. Pour ceux qui ne sont pas au parfum de cette histoire, je laisse parler le jeune homme bastonné Adama Kima.

«Hier soir vers 19h (Ndlr : dimanche 19 février 2012), je marchais sur la voie de Boinsyaaré (Ndlr : l’avenue 14-54) à quelques mètres de la station Shell. Un véhicule est arrivé et a viré pour entrer dans une cour. Dans son virage, il a failli me cogner et j’ai gesticulé pour manifester mon mécontentement. L’homme au volant a alors baissé la vitre pour me demander des comptes. Je lui ai signifié que sa conduite n’était pas bonne. N’ayant pas apprécié que je lui donne des leçons, il m’a demandé de le suivre ; chose que je n’ai pas faite, bien au contraire, j’ai changé de voie pour continuer ma route. Il a envoyé un homme en tenue me chercher en me menaçant d’un P.A. Nous sommes retournés ensemble dans la cour. Le monsieur qui était dans la voiture en est sorti et m’a demandé de m’asseoir à même le sol. Il a ensuite appelé la police et les GSP (Ndlr : Garde de sécurité pénitentiaire). Les derniers appelés ont été les premiers à arriver sur les lieux. Ils étaient quatre : un chef, un chauffeur et deux agents. Les deux agents m’ont demandé si je savais à qui j’avais affaire. J’ai répondu par la négative et ils ont commencé à me tabasser. Ils m’ont menotté, tapé sur la face avec ma propre ceinture jusque dans leur véhicule, un Land Cruizer de couleur bleue ».

Monsieur Kima dormira au commissariat bien que les policiers aient reconnu qu’il ne pouvait pas recevoir dans leurs locaux une personne déjà battu.

Ce qui choque le commun des mortels, c’est qu’il s’agit un homme chargé de la bonne marche de la justice, du respect des droits humains, de l’égalité de tous les Burkinabè etc., qui s’est fait coupable de cet acte en décidant de se rendre justice lui-même. Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. « Sinon, on te fait et puis y a rien ». Combien sont-ils victimes des injustices de ceux qui se prennent pour des « gourous » de ce pays comme si l’on était dans un état sans droit? Personnellement, j’ai vu une situation pareille au Stade du 4 août de Ouagadougou lors d’un match de football. Un gendarme s’est fait menacer par un député du pays. Le chauffeur du député a voulu garer sa voiture à un endroit non indiqué pour cela. Le gendarme a tenté de le lui faire comprendre. Le chauffeur insista pour garer la voiture. Avec le refus du gendarme, il a fait appel à son patron, un député bien connu pour son amour le football, qui est venu intimider le chauffeur avec la traditionnelle question : « tu sais qui je suis ? ».

Eh oui ! Au Faso, on roule à deux vitesses. Tout cela marque le décalage qui existe entre les Burkinabè. Il y a les Burkinabè d’en haut bénéficiant de tous les droits et devoirs. Leur parole est incontestée. Ceux qui osent le faire, « on les fait et puis y a rien ». Il y a les Burkinabè d’en bas, obligés de subir le dictat des Burkinabè supposés être supérieurs. Une inégalité effroyable qui ne date pas d’aujourd’hui.

L’histoire de ce mécanicien est la preuve palpable de l’injustice dont sont victimes les Burkinabè. Ils sont nombreux ceux qui la subissent sans pouvoir se faire entendre : ils n’ont pas beaucoup de CFA, « parce que tu fais, on te fait et y a rien ». Même si à longueur de journée, on crie aux Burkinabè qu’ils sont tous égaux devant la loi, certains faits comme celui-ci tendent à prouver le contraire. Ils arrivent au Burkina que lorsque certaines personnes obtiennent une parcelle de pouvoir, ils tentent d’en abuser.

Certains oublient, que le Burkina Faso a connu une crise socio-politique sans précédent lors du premier semestre de l’an 2011 après la torture qui a conduit à la mort de l’élève Justin Zongo. Le pouvoir du chef de l’Etat a même vacillé. On avait crié les mêmes maux : injustice, impunité, abus d’autorité etc. Un gouvernement de sortie de crise a été nommé. Ce qui a permis au ministre d’occuper ce poste… Ils n’ont toujours pas retenu les leçons du passé.

Le ministre de la justice doit être le premier a enseigné les valeurs d’égalité, de respect des droits de l’homme aux citoyens. Et lorsque ce dernier adopte un comportement contraire à ces principes, il doit être demi de ses fonctions car comme l’a si bien dit Adama Kima : « Que j’aie raison ou pas, j’aimerais que la torture disparaisse du  Burkina Faso. Qu’on me juge et me condamne si je suis en faute ! Avec cette pratique-là, on peut tuer quelqu’un sans savoir s’il a raison ou pas».

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