La CAN, l’autre drogue pour endormir les consciences

Article : La CAN, l’autre drogue pour endormir les consciences
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2 février 2012

La CAN, l’autre drogue pour endormir les consciences

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) 2012 a débuté depuis le 21 janvier 2012 à Bata en Guinée Équatoriale. Cette fête du football africain (qui prend fin le 12 février 2012) est aussi une occasion pour certains dirigeants africains de détourner l’attention de leurs peuples des problèmes du pays.

(ph.L’opinion)

 

La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) est là. Des seize meilleures équipes du continent, présentes au Gabon et en Guinée Equatoriale pour célébrer le football africain, il n’en reste plus que huit. Depuis le soir du 21 janvier et pour trois semaines, les africains sont devant le petit écran pour suivre les matches de leurs équipes préférées et de leurs stars que sont Didier Drogba, Gervais Kouassi dit Gervinho, André Ayew, Seydou Keita, Moussa Sow, Abrou Aka Panga, Alain Traoré, Jonathan Pitroipa etc. Même si de grandes nations comme l’Egypte, le Nigéria, le Cameroun, l’Afrique du Sud et l’Algérie sont absentes, la fête connait le même engouement. A défaut de supporter son pays, le cœur battra pour une autre nation ou pour un joueur. Cela témoigne le fait que le football demeure le sport roi en Afrique. Il suscite un tel engouement que même dans les plus petits hameaux, l’on s’active pour ne pas rater ce rendez-vous. Des téléviseurs, des groupes électrogènes etc., s’achètent comme de petits pains. Les maisons CANAL+ sont bondées chaque soir aux heures des matches (16 heures et 19 heures).

Les gouvernants africains l’ont compris. Le peuple aime le football. Voilà pourquoi ils mettent un point d’honneur pour que l’équipe nationale se qualifie, s’ingérant parfois même, un peu trop, dans les affaires de leur fédération. Tous les moyens sont réunis pour être au rendez-vous. La qualification de l’équipe nationale à chaque CAN suscite un tel élan de patriotisme que l’on le met au compte Président de la République. « Il faut ramener ce trophée pour le chef de l’Etat qui le mérite tant !». Voilà l’une des plus belles déclarations d’amours des joueurs ou des responsables des fédérations. Le président devient le centre névralgique du pays. On lui doit cette qualification comme s’il avait lui-même été sur le terrain. Le dossard 12 du premier supporter, ou le 10 du meneur de jeu lui sont réservés. On se plait à rappeler son passé glorieux de footballeur. Ses supposés exploits lors des matches des tournois inter-quartiers, inter-villages remplissent la presse. On dresse la liste des tournois qu’il organise ou qu’il parraine et certains trophées portent même son nom. Tout est fait pour lui donner un passé de footballeur. Il aurait pu devenir professionnel n’eut été son destin présidentielle qui l’aurait empêché. Et pour lui, cela est une bonne campagne avant l’élection présidentielle. L’opposition dans ce contexte est muette parce : « touche pas à ma CAN »

Droits télés aux prix exorbitants

Pour détourner l’attention sur les problèmes du pays, tout est mis en œuvre pour acheter les droits télés très exorbitants. En d’autres temps ou pour d’autres domaines, on aurait crié au scandale compte tenu de l’énormité des sommes investies pour ces droits de retransmission. Bien avant, tout est fait pour créer le suspens. Personne ne sait si le pays pourra racheter les droits de retransmission. Mais aux derniers jours ou même aux dernières heures, au cours d’une cérémonie solennelle à la télévision, l’on annonce que le Président…, « le très généreux Président » à acheter les fameux droits de retransmission de sa poche personnelle. Il s’attire ainsi les faveurs du public. Pourtant, c’est l’argent du contribuable qui a bien servi à payer ces droits de retransmission. C’est cela l’autre face cachée de la Can. Une vitrine pour les dirigeants africains, une période pour redorer leur blason. Le début d’année de la 2012 au Burkina Faso a été marqué par l’arrestation de l’ancien directeur général de la douane Ousmane Guiro, qui aurait caché une cantine contenant environs 2 milliards de francs CFA et d’autres objets de valeur. Si cette affaire a fait les choux gras de la presse, elle est passée dans les oubliettes depuis le début de la CAN.

C’est comme ce président de l’Afrique de l’ouest, presque centenaire, qui tient mordicus à briguer un troisième mandant alors que la loi électorale ne lui autorise que deux. Le calcul était : « le peuple ne veut pas que je sois candidat une fois de plus. Mais notre équipe avec ses attaquants enviés est favorite pour remporter la compétition. Alors après la qualification, les supporters seront dans l’euphorie. Le conseil constitutionnel valide ma candidature. Personne n’aura le temps de manifester ». Malheureusement, son équipe nationale, portant le nom du roi de la jungle a été éliminé par de petites fourmis bien plus malins. Depuis, la validation de la candidature de ce monsieur, qui coïncidait avec l’élimination de son pays a eu du mal à passer. Erreur tactique !

Ce n’est pas pour rien que d’autres se battent pour l’organisation de cette compétition. Au delà de leur amour pour le ballon rond, c’est aussi l’affirmation de leur pouvoir. Le peuple lui sera reconnaissant de la cinquantaine des chefs d’État, il a su s’imposer parmi ses paires, arrachant de haute lutte l’organisation de cette compétition.

ça ne réussit pas toujours

Dans un autre pays sorti de troubles socio-politiques, les autorités misent sur cette compétition pour faire oublier au peuple les dix années de douleurs qu’ils ont subit. Normal. Depuis le mois de novembre, le regard de ce pays est porté sur leurs représentants: des pachydermes. Les autorités sont conscientes de la folie que suscite le football là-bas. Alors, à l’occasion de cette CAN les projecteurs des médias nationaux comme internationaux qui étaient braqués sur ce pays sont désormais tournés vers Malabo, Bata, Libreville et Franceville. On en profitera pour appliquer des décisions qui en temps normal auraient du mal à passer. Le réveil sera douloureux pour certains après la CAN. La stratégie, c’est d’endormir l’adversaire.

Alors que les Étalons du Burkina se rendaient à Malabo via Yaoundé pour la CAN, 256 millions ont été offert par la chambre des mines pour soutenir cette équipe. Auparavant, le gouvernement avait déboursé près de deux milliards de francs CFA pour la soutenir. Pendant ce temps, les handballeurs disputaient une autre CAN, celle de leur discipline. Mais les joueurs de cette discipline sont partis incognito alors que de l’autre côté, une armada de journalistes, de supporters, d’encadreurs, de personnalités avaient accompagnés l’équipe de football. Oui, dans certains pays africains, le sport se résume au football !

Si les dirigeants s’attirent les faveurs des populations, les travailleurs, eux, délaissent des bureaux de l’administration publique.

Au nom de l’amour pour le ballon rond, des employés des services publics restent à la maison pour suivre les matches. Les moins courageux partent au service, mais ne se restent pas plus d’une demi-heure. A 15 heures 30 minutes, les bureaux commencent à se vider parce que le premier match de la journée de la CAN commence à 16 heures TU. Pour ceux que vous trouverez au bureau, difficile d’attirer l’attention d’un agent, du simple vigile au plus grand chef. Les rares petits écrans sont pris d’assaut. A peine vous adresse t- on la parole lorsque vous voulez un renseignement. Donc, si vous avez votre dossier à traiter, mieux vaut attendre la fin de la CAN. Toutes les activités, réunions ou cérémonies dites sérieuses sont même reportées. Il faut attendre la fin de la CAN.

La Coupe d’Afrique des nations est une affaire dont les retombées ne sont pas toujours positives pour tous. Absence chronique des agents de l’État dans les services, dépenses exorbitantes des ressources publiques pour les droits de retransmission, illusion d’une victoire de son équipe nationale, et à la fin grosse déception. Mais, bon c’est le foot…

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