Mutinerie au Burkina : pour comprendre la crise

20 avril 2011

Mutinerie au Burkina : pour comprendre la crise

Depuis le mois de février, le Burkina Faso est confronté à une mutinerie. Elle a commencé par la contestation d’une décision de justice. Plusieurs militaires avaient trainé nu un civil qui selon eux avait fait la cour à la concubine de l’un d’entre eux. Une semaine après, à Fada N’Gourma, des militaires s’étaient mutinés et avaient libéré un de leur camarade. Celui-ci avait violé une fille de … 13 ans. (Mon Dieu, c’est vrai !) Ces mutineries  ont été accompagnées de pillages. Il y a quelques jours, c’est la garde présidentielle qui pillait la ville pour réclamer des primes de logement et de restauration. Quelles sont les raisons des comportements anti-citoyens de ces militaires ?

La  formation des militaires. Lors du procès entre un homme et des militaires qui  l’ont obligé à se promener nu dans les rues de Ouagadougou, le juge a posé cette question à l’accusé principal : « connaissez-vous les droits de l’homme ? » Sa réponse selon le plaignant, il entend parler des droits de l’homme à la télé mais il ne sait pas ce que c’est. Alors, un homme sensé assurer l’intégrité territoriale d’un pays ne sait même pas ce que c’est que les droits de l’homme ?  Human Right Watch devrait être interpelé à ce sujet. Pourtant, le capitaine Thomas Sankara avait prévenu : « Un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance ». En plus, ce sont généralement les « cas sociaux », les enfants récalcitrants recommandés par leurs parents pour intégrer l’armée. Ils espèrent que la discipline légendaire de l’armée permettra à leurs enfants de devenir plus doux. Une preuve que la formation des militaires a baissé en qualité : il y a une année, des militaires réclamant des primes après une mission dans un pays africain avaient organisé un sit-in en plein ville. Ils ont choisi de manifester sans leurs armes. Avant midi, leur problème a été résolu. Voilà un exemple d’esprit citoyen, de discipline, de responsabilité qu’il faut saluer.  La hiérarchie militaire devrait faire appel à ces hommes pour témoigner de leurs expériences et ramener  leurs petits frères dans le droit chemin.

Des conditions de travail difficiles. Le sort des militaires en particulier et des corps habillés en général n’est pas du tout enviable. On les voit souvent se promener en ville les habits troués.    Ils sont obligés d’acheter eux-mêmes leurs tenus. Les militaires burkinabè ne bénéficieraient pas de primes pour cela. Pourtant, c’est cet habillement qui les diffère des civils. Les images qu’on a des militaires ressort surtout dans les films. Ils jouent souvent le rôle de soulards, pauvres et toujours endettés. Le rôle de Oyou dans le film la série télévisée« Commissariat de Tampy » de Missa Hébié est l’exemple éloquent des hommes de tenues au Burkina Faso. Dans son rôle de policier, Oyou est très endetté et passe tout son temps dans les cabarets. Après la rencontre avec le Président du Faso, il serait ressorti que le gouvernement octroie sept milliards de francs CFA pour l’habillement alors que les militaires sont obligés d’acheter eux-mêmes leurs tenues. La casse des magasins aurait permit de découvrir un stock inépuisable de tenues militaires.

A en croire les rumeurs, ils sont payés deux fois par mois, mais ce qu’ils gagnent comme salaire ne vaut rien. En plus, ils n’ont pas longue vie dans ce métier. Un militaire doit être jeune et fort : avoir ses jambes de 22 ans.

Une fracture entre les soldats et leur hiérarchie. Tandis que ces derniers vivent dans une pauvreté ambiante, leurs supérieurs sont choyés. A part les ordres et les revues de troupes, il n’existe aucune complicité entre les soldats et leurs supérieurs hiérarchiques. Pourtant, malgré les grades qui les séparent, les forces armées doivent être une famille. Lorsqu’un militaire sent que son supérieur hiérarchique est proche de lui, il se sent plus en sécurité. Si ces derniers ont attaqué les domiciles du ministre de la défense Yéro Boly, du chef d’Etat major général des armées Dominique Djindjéré, du chef d’Etat major particulier de la présidence Gilbert Diendéré, même si celui-ci est réputé proche de ses troupes, c’est la preuve que le fossé entre hiérarchie et soldats de rang est grand. A ce niveau, le President du Faso doit se reprocher quelque chose. Sinon, comment comprendre que le regime de sécurité presidentielle ose tirer alors qu’il sortait d’une concertation en vue de resoudre la crise qui a commencé il y a trois semaines. En plus comment comprendre que la garnison de Pô, reputé lui être fidèle soit également entré dans la mutinérie?

Tout le monde veut aller au Darfour. Comme on l’entend souvent dire, c’est pendant les périodes conflictuelles que les militaires sont bien mieux payés. Hormis cette période, ils reçoivent des salaires de misère. Dans certains discours, l’impression qui se dégage est que la sélection des soldats pour le maintien de la paix au Darfour n’a pas été transparente. Ceux qui reviennent de cette mission onusienne rentreraient avec beaucoup d’argent. Ce qui crée des envies. La jalousie a donc poussé certains à prendre les armes. Cela explique en partie les nombreux pillages de magasins et de supermarchés, etc. Même pour ceux qui ont été retenus pour le Darfour, la plupart serait mécontent parce que l’entièreté de leurs primes ne leur ont pas été remises. Ceux qui s’étaient mués dans le silence ont saisi l’occasion pour faire entendre leur voix.

Faire peur aux civils? Les rapports entre les civils et les hommes de tenues sont complexes. La plupart des soldats de rang n’étant pas allé à l’école, il arrive que les civils se moquent d’eux sous prétexte qu’ils ont eu leur boulot par ce qu’on appel le « courir rentrer », c’est-à-dire dans diplôme. Il leur a fallu seulement être

Parmi les premiers à une course pour obtenir leur place. Autre moquerie, les militaires parlent mal le français. La plupart des soldats de rang n’ayant pas été recruté avec un diplôme comme nous le mentionnons plus haut.

Le Président du Faso, chef suprême des armées absent du pays. Après 24 ans passées au pouvoir, la majorité des Burkinabè est unanime à reconnaitre que le Président du Faso a passé un long temps au pouvoir. Pourtant, la longévité à ce poste use. C’est vrai que les militaires ne font pas de revendication politique. Mais les absences répétées du Président, occupé à résoudre les crises dans les autres pays, s’est fait sentir.  Thierry Hot du groupe de presse Fasozine se demandait à quoi servaient les conseillers de Blaise Compaoré. L’impression qui se dégageait dans son analyse est que ces derniers ne jouent pas leur rôle.  Cela semble vrai. Après les concertations avec les différents corps militaires et paramilitaires, Blaise Compaoré a reconnu qu’il ignorait beaucoup de choses.

Le mouvement de révolte dans les pays arabes n’est pas un fait étranger à ce qui se passe au Pays des Hommes intègres. A part le chef de file de l’opposition, inconstant dans ses propos, rares sont ceux qui exigent le départ de Blaise Compaoré dans l’immédiat. Il devrait profiter de cette situation pour résoudre la crise. Ce qui donne une fois de plus  raison à ceux qui pensent que le chef de l’Etat est entouré de mauvais conseillés.

Si les revendications des militaires sont légitimes, la violence avec laquelle se sont déroulées les manifestations est à déplorer. Comme aiment le dire certaines personnes au Burkina Faso, « pour être écouté par les autorités, il faut utiliser la force ». Apparament, c’est cela que les militaires ont voulu faire.

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Commentaires

Golum
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Moi, ma lecture de la situation au Burkina Faso est que... Les hommes en arme veulent le départ pure et simple de notre "cher" président Blaise Compaoré dans la légalité. Alors y'a pas mieux que de terroriser le peuple avec des revendications bidons au point qu'il se révolte contre celui qui est sensé garantir leur sécurité et leur quiétude; c'est à dire le pouvoir, le CDP, M. Blaise Compaoré! D'ailleurs n'est ce pas lui le Chef Suprème des Armées!
Rappelons nous du "thème" de la célébration du cinquantenaire en décembre dernier:"Souvenir et espérance". Faut-il croire que le peuple ou, surtout, les hommes en armes se sont souvenus de la façon dont M. Compaoré est arrivé au pouvoir, de tous ces crimes et impunités durant ses 24 années de reigne?
Personnellement, j'aimerais goûter à une autre "sauce" comme le petit français de mon âge qui, lui, a connu trois président, donc trois gouvernances politique et économique distinctes.