Concassage de granite à Ouagadougou: le travail de titan des femmes

Article : Concassage de granite à Ouagadougou: le travail de titan des femmes
Crédit:
28 février 2011

Concassage de granite à Ouagadougou: le travail de titan des femmes

Face aux difficultés qu’elles rencontrent pour avoir un plat de tô, (une sorte de boule de farine) certaines femmes ont décidé s’adonnent au concassage du granite pour avoir manger. Elles occupent principalement le site de granite du Pissy de Ouagadougou situé à la sortie Ouest.

Jeudi 17 février 2011. 13h05 mn sur le site de gisement de granite situé au quartier Pissy de Ouagadougou. Sous un soleil de plomb, l’air surchauffé et chargé de poussière une femme, assise à même le sol chaud, s’attaque à un tas de granite rassemblé devant elle. Son nom: Rakièta Zongo. Elle a le visage couvert de poussière grise où ruissellent de grosses gouttes de sueurs, les traits tirés. Une petite barre de fer longue de 30 cm environ à la main droite, elle réduit en morceau de gros blocs de granites. Elle soulève la barre de fer et la laisse tomber lourdement sur un bloc pendant de longues minutes.  La main gauche visiblement durcie par le travail, Rakièta rassemble les morceaux concassés puis recommence de nouveau dans le tintamarre que produit la barre de fer suite au choc avec les blocs de granite. Elle ne semble pas sentir l’acre odeur des pneus brulés presque étouffante qui a envahi l’atmosphère.

Autour de Rakiéta, des centaines d’autres personnes dont plusieurs femmes, s’adonnent au même exercice. Certaines parmis elles sont installées dans le gisement de granite. Il s’agit d’une fosse d’une quinzaines de mètres de profondeur. De vieilles nattes, des pagnes usés ou de vieux plastiques soutenus par deux ou trois morceaux de bois plantés dans le sol, servent de para-soleil.

 

Un travail harassant

Cela fait plus d’une trentaine d’années que les exploitants, dont une majorité de femmes, se sont installés à ce endroit . La pauvrété, le chômage, le manque de soutien explique leur présence sur ce site. Chaque jour, ces hommes et ces femmes âgés entre cinq et soixante ans y vont pour réduire en morceaux ces gros blocs.

Rakièta Zongo travaille dans cette carrière depuis six ans. N’ayant aucune ressource pour s’adonner à des activités rémunératrices, elle a préféré s’installer sur ce site. Les débuts ont été très difficiles. « J’avais de la peine à concasser une cuvette de granite par jour à cause de la pénibilité du travail. Avec l’expérience, j’arrive à remplir sept cuvettes par jours », confie t-elle le regard plein de fatigue mais souriant. Pour que le concassage rapporte suffisamment, Rakièta Zongo arrive sur chantier à 8 heures au plus tard pour retourner à la maison au coucher du soleil.

Alima Gnoumou, une dame d’une trentaine d’année, concasse également les blocs de granites depuis douze ans. D’après elle, il n’y a pas d’heure fixe pour commencer le travail. Arrivée ce jeudi matin là à 8 heures, elle estime être en retard. «Nous n’avons rien à faire en restant à la maison», affirme t-elle avant d’ajouter «Je voulais faire le commerce mais je n’avais aucun franc pour commencer». C’est pourquoi, elle a fini par adonner au concassage des granites.

Et comme on peut le deviner, le concassage du granite laisse des séquelles. Le soir venu, elles retournent chez elles, les muscles endoloris, des piquottements aux yeux, la poitrine lourde, et les côtes resserrées selon les explications de Alima. Après une journée de dur labeur, elles n’ont presqu’aucun remède pour reprendre des forces.
Quelques petits comprimés achetés à la pharmacie leur servent de remontant vous diront t-elle. En réalité, beaucoup d’entre elles achètent des médicaments de la rue. « Ce n’est pas ce que tu vas gagné que tu vas prendre pour aller à la pharmacie », fait savoir Alima Gnoumou avec un sourire apparemment moqueur. Au même moment, une jeune fille âgé d’environs 14 ans proposaient déjà des comprimés qu’elle vendait. Et pourtant, les occupants des lieux reconnaissent que les médicaments vendus dans la rue sont interdits sur le site. Mais il n’y a personne pour empêcher cela.

 

Une nuit de repos est aussi suffisante pour reprendre des forces. Malgré la fatigue, il faut bien reprendre le chemin du travail le lendemain car c’est là-bas qu’elle tire leurs pitances quotidiennes. «La vie ne nous laisse pas le choix. Nous devons aider nos maris qui ont généralement eux-mêmes des problèmes pour joindre les deux bouts», se plaint Alima Gnoumou.

Des enfants de cinq ans à peine, assis à côté de leur parents ou esseulés, participent également au concassage. Comme leurs parents, ils respirent la poussière et supportent la chaleur sous leurs tentes de fortune.

 

 


 Et pourtant, ça rapporte peu

Il arrive souvent qu’il y ait des accidents de travail. Rakièta nous montre d’ailleurs une blessure à la main. Par mégarde, la petite barre de fer qu’elle utilise pour briser le granite s’était écrasée sur l’un de ses doigts. Mais ce n’est pas ce qui la décourage cette dame préoccupée plutôt par la quantité de granite qu’elle pourrait réduire en morceaux. Malgré la blessure, elle se met avec ardeur au travail comme si rien ne s’était passé. Il ne faut pas perdre le temps. Comment se soigne t-elle ? Alima Gnouma relève qu’il suffit de frotter le doigt avec un peu de poudre de granite et ça passe !
Bien que le travail soit harassant, ces dames gagnent très peu dans le concassage. Trois cuvettes de granites concassés correspondent à une brouettée. Une brouette pleine de granite coûte 1250 francs CFA (deux dollars environs) pour souvent six heures de travail. Bien sûr elle trouve cela trop bas en rapport avec le travail qu’elles abattent. Mais ce n’est pas elle qui fixe le prix.

L’hygiène n’est pas la chose la mieux partagée sur ce site. Il n’existe pas un vrai restaurant dans les environs.  Pour ces pauvres femmes, mieux vaut acheter un plat de riz ou de haricot à 100 francs CFA plutôt que dépenser des fortunes. L’essentiel, c’est de e remplir le vendre. Les restauratrices sont en général des jeunes filles ou des femmes avec des « pousse-pousse ». La nourriture est souvent servie dans de simples plastiques.

La situation de ces concasseuses a touché la sensibilité de l’ONG Terres des hommes. Elle a construit une école destinée uniquement aux enfants de tous ceux qui travaillent dans cette carrière. Les travailleurs de cette carrière et les femmes en particulier ont besoin d’un accompagnement en matériels de protection pour travailler plus facilement. Mais surtout, elles souhaitent que leurs productions soient achetées à un meilleur prix pour leur permettre de vivre décemment.

 

 

Partagez

Commentaires

Lalatiana Rahariniaina
Répondre

C'est un très beau reportage Ouédraogo(s). C'est comme si je voyais les concasseurs de granites dans mon pays. C'est tout à fait pareil ici. Ce sont surtout les femmes et les enfants qui s'adonnent à ce dur travail - sans parler des risques - et qui sont malheureusement très mal payés :(

stéphanie
Répondre

ça me bouleverse...

Quand je vois les richesses de votre continents, pillées par les multinationales, et la dureté sans nom de la vie de beaucoup de peuples africains, ça me rend triste et me révolte !
vous avez tant de dignité quand nous autres occidentaux n'avons même plus de morale...

Que font vos hommes politiques ? sont-ils à ce point impuissants ? corrompus et avides de pouvoir ?

j'aimerai que le vent de révolte né en Tunisie puisse souffler un peu partout, mais sais bien que ça n'est pas si simple..

Pneu pas cher
Répondre

Dans mon pays aussi, il y a beaucoup de granite (je veux dire à Madagascar)) mais le problème ce que le peuple ne peuvent pas l'exploiter, seul le gouvernement surtout le chef politiciens